 Rien n’est plus dissemblable dans l’œuvre de Brahms que les deux Concertos qu’il écrivit pour son instrument, et à vrai dire pour lui-même. Il en sera le créateur, mais, de l’un à l’autre, est-ce le même artiste ? Le jeune homme qui déchaine les tempêtes et les méditations philosophiques du Concerto en ré mineur, Michael Korstick le fait entendre à plein, filant sans oublier de chanter dans l’apaisement de la tempête que vient de régler Constantin Trinks. Les trilles fuseront de ce clavier clair et plein, rappelant l’orage soudain. Effet saisissant, je n’en attendais pas moins d’un pianiste aux moyens considérables, mais comment ne pas être saisi par l’altitude spirituelle qu’il déploie dans le grand chant intériorisé de l’Adagio. Ensemble, le chef et le pianiste font entendre l’hommage à Beethoven qui sous-tend la grande ligne respirée si large ici. Qui faisait ainsi, et savait autant ? Rudolf Serkin. Le Rondo filera, plein d’épices, enfin vraiment « al’ Ungarese », fête de plein air d’un élan spectaculaire. Et le Deuxième ? Son caractère élégiaque, son ton de ballade lyrique, jusque à ses tempêtes, si soulignées ici, cherchent à faire oublier qu’il est, pour les doigts, l’un des plus éprouvant concerto du répertoire, en fait une immense pièce pour piano solo en quatre mouvements avec orchestre obligé. Il faut y mettre une rectitude, un élan jusque dans la contemplation, un mouvement, sans quoi il perdra sa poésie, le tenir pour mieux le faire chanter. Michael Korstick ne trainera pas, resserrant les paysages, ardant les orages (y rappelant parfois ceux du Premier dans l’Allegro ma non troppo) et déployant ce clavier immense même dans la confidence, quasiment un deuxième orchestre. Il saura y mettre les rudesses beethovéniennes et la hauteur de vue qu’y osaient Hans Richter-Haaser, Serkin encore, dont il approche la sonorité minérale. Magnifique doublé où l’orchestre est intimement marié au projet du pianiste, et qui me rembourse de quelques déceptions occasionnées par la discographie récente. Et maintenant, Michael Korstick, l’œuvre pour piano seul ? Brahms attend. (Discophilia - Artalinna.com) (Jean-Charles Hoffelé)  Plus connu par ses nombreux enregistrements que par sa présence sur scène, le pianiste allemand Michael Korstick (1955-) jouit d’une renommée flatteuse pour sa fidélité rigoureuse au texte des partitions qu’il interprète. En pleine maturité et possession de ses moyens techniques, il vient d’enregistrer les deux Concertos pour piano de Brahms avec le Deutsches Symphonie Orchester dirigé par Constantin Trinks, que l’on connaît mieux dans le répertoire de l’opéra, mais qui a déjà enregistré avec Korstick une intégrale appréciée des cinq Concertos de Beethoven, y ajoutant les œuvres de jeunesse et la transcription du Concerto pour violon op. 61. Autant dire que dans ce nouvel enregistrement leur entente est parfaite ayant tous deux choisi l’option monumentale pour le premier Concerto et l’option agreste pour le second. Une particularité de cet enregistrement, réalisé dans les studios Teldex de Berlin, est de résulter de la compilation de nombreuses prises différentes — huit sessions de près de deux heures chacune sur quatre jours — associées ensuite en fonction des choix des interprètes. Contrairement aux enregistrement live, Il s’agit donc là d’un produit hautement manufacturé pour obtenir les qualités optimales de précision et rigueur recherchées par les interprètes. Le Concerto en ré mineur y gagne une ampleur puissante, avec un premier mouvement de 25 minutes contre à peine 20 pour Wilhelm Backhaus ou un peu plus de 22 pour Alfred Brendel, qui contraste avec un mouvement final all’ungarese prestement enlevé. Le Concerto en si bémol majeur bénéficie quant à lui d’une interprétation qui en souligne la profondeur et la virtuosité, avec notamment un allegro grazioso final particulièrement vivant. Face à une concurrence redoutable, même si le Deutsches Symphonie-Orchester Berlin n’égale pas tout-à-fait les phalanges plus prestigieuses, les deux interprètes font ici plus que fort bien tirer leur épingle du jeu. Recommandé.. (Jacques-Philippe Saint-Gerand)  The two piano concertos by Johannes Brahms occupy an uncontested place in the pantheon of the greatest works of this genre. At the same time they play a unique role in the development of the concerto form in the 19th Century, particularly in view of their uneven history of reception.
|