Trois ans après le premier Volume, Evgeni Koroliov n’a rien retranché de sa roideur : les Partitas sont pour lui des ateliers futuristes, il reste indifférent à l’esprit des danses, ne veut voir que les notes, les polyphonies, joue en blanc et noir, éloignant l’esprit du clavecin et surtout ces couleurs. Cette soif d’abstraction expose le génie textuel de ces trois Partitas, souligne leur perfection formelle sans pour autant que le jeu du pianiste ne soit en rien formaliste : il y a dans cette roideur une forme d’aspiration à l’absolu que les micros parfaits des ingénieurs de Tacet capturent dans sa nudité même : pédale économe qui renforce encore la parfaite lisibilité de ce qui n’est pourtant jamais une lecture. Je l’avoue, ce n’est pas mon Bach, mais l’altitude de ce regard, la perfection de la réalisation, l’exigence d’un intellect si musicien produisent comme un vertige, soudain les Partitas deviennent des objets abstraits, dont la pure beauté fascine, troublante quadrature du cercle qui ne pouvait s’incarner que sous les doigts d’un musicien dévolu corps et âme à Bach. (Discophilia - Artalinna.com) (Jean-Charles Hoffelé) Avec cet enregistrement, le pianiste russe Evgeni Koroliov, né en 1949 à Moscou, mais Hamburger depuis 1978, spécialiste de séries discographiques de renom (Tchaikovski, Schubert, Debussy, Chopin, Beethoven, Brahms, Ravel, Stravinski), propose le second volet de son intégrale des Partitas pour clavier de Jean-Sébastien Bach (Koroliov Series Vol. XXIV). En l’occurrence les BWV 827 en la mineur, BWV 828 en ré majeur et BWV 829 en sol majeur. Même si quatre années séparent ce volume du premier (les BWV 825 en si bémol majeur, 826 en ut mineur et 630 en mi mineur), enregistré en 2020 il n’y a rien à ajouter ni à retrancher à l’excellent commentaire que Jean-Charles Hoffele publiait en 2021 (Clic Mag 91, TACET265). En effet, sans recourir à l’absence de legato, et à la rythmique ainsi qu’à la métrique dactylographiques d’un Glenn Gould, voici des interprétations hautement réfléchies et pensées qui donnent à entendre une musique intemporelle grâce à un instrument devenu lui-même intemporel par le toucher, les timbres et les couleurs que l’interprète y adjoint, tout en s’efforçant de s’effacer lui-même. Curieux et troublant paradoxe, mais qui sera particulièrement admiré par les amateurs d’une esthétique si éloignée des rigueurs d’une reconstruction philologique et des appropriations des textes tellement personnelles que celles dont témoignent en regard les lectures du Kantor que donnèrent Backhaus (APR Recordings APR 5637), Richter (Stradivarius STR33820), Perahia (Sony Music 88697565602) ou Brendel (Philips 420832-2). Guère étonnant qu’un Ligeti ait pu avouer : « Si je devais n’emporter avec moi qu’une seule œuvre sur une île déserte, ce serait le Bach de Koroliov, car, tout seul, mourant de faim et de soif, je ne cesserais de l’écouter et réécouter jusqu’à mon dernier souffle ». Pour inconditionnels donc. (Jacques-Philippe Saint-Gerand) t's been a long time coming for this second part of Johann Sebastian Bach's partitas played by Evgeni Koroliov. The Steinway D grand piano from the first volume is now permanently installed in a beautiful church in Wernigerode. The recordings of Partitas 3 and 5 were made there. Other issues also delayed progress, including the relocation of TACET's premises. And finally, we're all not getting any younger. Who could say otherwise? This takes its toll in the form of slower work. Only a few things are timeless, and that includes the music of Johann Sebastian Bach. The way in which Evgeni Koroliov immerses himself in this ‘eternal’ music, elevating it to a timeless presence, as if it were created in this very moment, changes my perception of time. I absorb its flow. I agree with its passing.
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