Bach Messe en si mineur BWV 232 Feuersinger Reinhold Eichenberger Poplutz Böhm Reize

Pour la première production du prestigieux Thomanerchor sous la direction de son nouveau chef, un emblématique compositeur a été retenu : J.S. Bach, dont Andreas Reize est le dix-huitième successeur à ce poste. Nommé en 2021, quelques mois avant cette session de novembre 2022, l’ancien directeur des Singknaben de Soleure nous propose ici sa vision d’un chef-d’œuvre de la musique sacrée, aux commandes de deux ensembles de souche, on ne saurait plus légitimes pour aborder le Kantor de Leipzig. Cet intérêt généalogique s’incarne dans une interprétation plutôt traditionnaliste, quoique sans excès de solennité ni traînage (sauf le conclusif Dona nobis pacem, un brin inerte). Cela sans ignorer les apports de la musicologie historiquement informée, par exemple en matière de senza vibrato et d’articulation d’archets. Et sans se dispenser des ressources du lieu, comme l’orgue romantique Sauer dont le puissant Majorbass vient sourdre dans le Sanctus. L’effectif choral varie selon les sections, de 16 à 90 chanteurs, enrôlant les plus jeunes recrues, d’une dizaine d’années. Un pari inclusif, au risque de fragiliser les lignes sopranistes, un peu égaillées dans le Kyrie et même si la conduite polyphonique gagne ensuite en cohésion. Le recours aux voix enfantines, comme jadis Nikolaus Harnoncourt et ses Wiener Sängerknaben (Teldec, 1968), apporte surtout à cette Messe une touchante émotion. Une élégante présentation en coffret, avec livret illustré (allemand, anglais), un Gewandhausorchester aux petits soins, et un plateau de solistes rompu à ce répertoire contribuent à une version qui, si elle ne bouleverse pas la discographie, revisite un patrimoine de manière attachante. (Christophe Steyne)

Andreas Reize est aujourd’hui le nouveau Thomaskantor de Lepzig prolongeant ainsi une longue lignée de chefs du siècle dernier depuis Karl Straube : Günther Ramin, Kurt Thomas, Erhard Mauersberger et Hans-Joachim Rotzsch dont nous connaissons les enregistrements des œuvres de Bach. Voici donc « la » version de l’actuel Thomaskantor de la Messe en si BWV 232. Elle s’inscrit donc dans une longue tradition d’interprétation historiquement informée (ni vibrato, ni pompe romantique). Un orchestre opulent (le Gewandhausorchester) et un chœur pléthorique (jusqu’à 90 chanteurs !) dont le fameux chœur d’enfants. Malgré ces lourds effectifs, Reize parvient à donner une grande lisibilité à la partition. Les tempi sont impétueux, voire pressés (Credo) mais l’articulation et l’équilibre de l’orchestre sont toujours patents. Une plasticité formelle qui n’obère pas la majesté de l’ensemble. Les musiciens sont irréprochables en solistes ou en tutti, et les solistes sont remarquables dans chaque air, notamment les sopranos Mariam Feuersinger (!) et Marie Henriette Reinhold. Georg Poplutz est égal à lui-même. Reste le groupe d’enfants qui a souvent du mal à suivre (le Kyrie manque ainsi un peu d’épaisseur). Une version "historique" qui fera date sans pour autant être une référence dans l’absolu. (Jérôme Angouillant)