 Né cubain, formé au Curtis sous la houlette d’Isabelle Vengerova, Jacob Lateiner sera passé à la postérité discographique comme partenaire de Jascha Heifetz et de Gregor Piatigorsky. Tout chambriste d’exception qu’il fut, c’est d’abord par l’illustration de ses contemporains américains qu’il se fit un nom. Il avait tôt décidé de se vouer à leurs musiques, étudiant avec Schoenberg au long de l’année 1950, Eliott Carter lui composant son Concerto pour piano, qu’il enregistra, Roger Sessions lui confiant la création de sa Troisième Sonate. Pourtant, une fois établi à la Julliard où il formera des théories d’élèves, il s’immergea dans Beethoven puis dans Mozart, le disque illustrant fugitivement son intérêt pour le premier : pour RCA, un Empereur, une poignée de Sonates, réservés au marché américain, ne bouleversèrent pas la discographie. Parnassus aura préféré publiés l’écho de deux concerts des années 80. Est-ce une idée heureuse ? Le récital à la Frick Collection déçoit : on peut se passer de ces "Valses nobles et sentimentales" sans poésie et sans mystère, et de cette Fantaisie de Schumann sans émotion, de cette "Campanella" sans brio, mais pas tout à fait d’une "Waldstein" menée avec art, qui ouvre le concert. Beethoven décidément, est son affaire, comme le montrent les trois dernières Sonates enregistrées quatre ans plus tard à la Julliard. Le ton y est, l’élévation du discours, mais les doigts ne sont plus très surs, le jeu lui-même durci, affaire de prise de son mais pas seulement. Les années passant, la sonorité naturellement éloquente que l’on perçoit dans les disques RCA s’est élimée, la profondeur du regard essaye bien de compenser ce que le corps ne sait plus produire, cela nimbe d’une touche de tragique ce qui aurait dû être testament, et l’était probablement pour le pianiste. Dommage, peut-être Parnassus ferait-il mieux de collationner les RCA, d’assembler les quelques albums Beethoven, sans oublier son meilleur disque, consacré aux Bagatelles. (Discophilia - Artalinna.com) (Jean-Charles Hoffelé)  Professeur à la Juilliard School of Music de 1966 à 2009, Jacob Lateiner collectionna fac-similés de manuscrits et premières éditions de Beethoven et c'est à ce titre que les quatre sonates de ce compositeur présentées en enregistrement public sur ces 2 cds attirent principalement l'attention; car notre interprète a exploité ces documents pour corriger nos éditions modernes. Et cela peut aller de la structure de l'oeuvre, la 'Waldstein' perdant un mouvement par raccord au troisième du second marqué 'Introduzione', mais aussi entrer dans de passionnants détails : pour n'en citer qu'un seul, les mesures 351-5 du Rondo final de cette même sonate portent ordinairement la mention 'pianissimo'. Aucune indication n'est donnée dans la première édition alors que 'fortissimo' apparaît dans le manuscrit. Mais qu'entendons-nous? D'abord une 'Waldstein' hallucinée qui nous emporte dans son tourbillon et ne nous lâche pas: un sommet à peine entaché par une réverbération excessive des basses. Des 'Valses nobles et sentimentales' de Ravel aux dissonances exacerbées et une 'Fantaisie' op. 17 de Schumann passionnantes mais plus pensées que vécues (le problème sonore précité est plus gênant dans la seconde). Une 'Campanella' de Paganini-Liszt anecdotique du fait d'une prise de son déficiente. Pas de problème de ce côté avec les trois dernières sonates de Beethoven. Jouées comme s'il s'agissait d'une oeuvre unique, elles déploient leurs lignes à l'infini dans un refus de tout affect tendant vers l'abstraction. Si cette vision ne saurait constituer une référence, elle ne fera pas doublon dans votre discothèque. (Michel Lorentz-Alibert)

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