Selon Mersenne, la viole de gambe "contrefait la voix en toutes ses modulations […] ; l’archet […] a son trait aussi long à peu près que l’haleine ordinaire d’une voix, dont il peut imiter la joie, la tristesse, l’agilité, la douceur et la force par la vivacité, par sa langueur, sa vitesse, son soulagement, et son appui : de même que les tremblements et les flatteries de la main gauche en représentent naïvement le port et les charmes” (1637). L'instrument incarne un idéal esthétique et social basé sur l'art de plaire, de séduire avec grâce, délicatesse, et bon goût. Pourtant, deux conceptions se confrontent : aux compositeurs qui louent les qualités mélodiques de la viole (puisqu'elle est à l'art ce que la voix humaine est à la nature), s’opposent ceux qui vantent ses possibilités harmoniques, et défendent des œuvres plus complexes, faisant appel aux accords, au jeu sur plusieurs cordes à la fois, à la production d’une pluralité de voix. C'est cette dernière conception qui s’illustre ici : plutôt que d'enregistrer tel recueil continu de Marais, A. Rasi présente une anthologie raisonnée, tissée de pièces où l'art de l'harmonie est à son plus haut niveau. Au Marais mélodiste (car il le fut aussi) est préféré le Marais harmoniste. La pièce intitulée "Les Voix Humaines" (le pluriel dit tout) constituant le moment le plus emblématique du CD. Le jeu de Rasi est d’une grande beauté suggestive. De son humble intériorité se dégage une capacité d’évocation prodigieuse : l’harmonie et les harmoniques produites ici sont comme un frottis de vent farouche dans les ramages de l’instrument. Sublime interprétation. (Bertrand Abraham) This is the pièces that show Marais’ mastery in interpreting with great originality the resources of the jeu d’harmonie, in a variety of technical solutions. These are sometimes vey demanding, ever more associated with stylistic or expressive inventions, also these new and sometimes strange. Still more obvious are the peculiarities of writing and character of these pieces in an execution on solo viol without the support of the basso continuo, integrating it if necessary into the harmony. On the other hand, it is evident how the inclination of Marais approached that of De Machy, who included the viola da gamba (low register), with the harpsichord, lute, theorbo and guitar among the instruments “qui font d’harmonie d’eux-mêmes”, without the need for additional parts.
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