 En dépit d’une discographie étoffée recouvrant par prélèvements à peu près l’ensemble des genres — musique orchestrale, de scène et vocale, de chambre, instrumentale — pratiqués par le Bohème viennois et parisien qu’était Reicha (1770-1836), il serait grand temps de reconnaître l’originalité de son génie et l’influence de son enseignement sur Onslow, Liszt, Berlioz, Gounod voire Franck. Ami des meilleurs solistes pour vents des débuts du XIXe siècle, Reicha leur dédia 24 Quintettes dont en 1815 un "Grand Concerto en Sol mineur pour la Clarinette en Si perfectionnée par Iwan Müller" et en 1820 un Quintette pour clarinette et cordes, à quoi s’ajoutent en 1818 les "Variations sur un thème de Dittersdorf" (1739-1799) précédées d’une Introduction par le clarinettiste Frédéric Blasius. Ce sont là parmi les compositions pour l’instrument soliste les plus importantes et représentatives des premières années du romantisme musical, qui n’ont rien à envier à celles de Crusell, Krommer, Lefèvre, Weber, Bärmann ou Spohr et qui, souvent même, les dépassent. Le Concerto en sol mineur laisse part égale dans ses mouvements extrêmes à l’ingéniosité motivique si caractéristique de Reicha, tandis que l’Andante central expose l’éblouissante technique, l’élégance du phrasé et l’ardeur du jeu de Müller (1786-1854), le dédicataire de l’œuvre. Le grand et regretté Dieter Klöcker (1936-2011), qui fit tant pour la discographie du répertoire de la clarinette, donne une nouvelle fois la preuve ici de sa virtuosité ailée, de sa délicieuse sonorité boisée soutenue par un souffle inextinguible. Les deux pièces pour Cor et pour Basson complétant cet enregistrement bénéficient également d’interprétations fringantes et colorées. L’ensemble de ces enregistrements de 2001, qu’on est heureux de voir ressurgir, est une magnifique façon de rendre hommage autant au génie de Reicha qu’à l’art de Dieter Klöcker et de ses distingués comparses. (Jacques-Philippe Saint-Gerand)

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