 Michael Gielen interrogea tout au long de sa vie de chef d’orchestre (mais aussi durant celle, parallèle, du compositeur) la grande nuit d’amour aussi sexuelle que philosophique qu’Alexander Zemlinsky déduisit des poèmes de Rabindranath Tagore. Pour la BBC en 1981 avec un couple d’amants souverain (Elisabeth Söderström et Thomas Allen), puis au disque pour le label économique allemand Arte Nova avec l’Orchestre de la SWR et deux chanteurs modestes mais inspirés, occasion de coupler l’œuvre avec la Suite Lyrique et les Altenberglieder de Berg, et six ans auparavant, soit en 1989 en concert pour la Radio de Vienne, version enfin publiée. Face à la radiographie de l’enregistrement de studio, comme la nuit est enténébrée à Vienne, sensuelle mais empoisonnée aussi. D’emblée, Roland Hermann sera lessivé par l’orageux premier lied, s’y donnant tant et même de profondeur de timbre qu’il n’aura jamais eue. Peu importe, les mots et le sens des mots, la fureur du désir et l’abandon de la volupté y sont. Merveille, flirtant çà et là avec la justesse, Karan Armstrong, qui vient juste de nous quitter, camperait-elle au côté d’Elisabeth Söderström et d’Edith Wiens la plus belle soprano qu’ait connue l’ouvrage ? Coquette (le second lied) où brisée (le sublime monologue de Vollende den das letzte Lied où semble passer l’écho du mélodrame de l’Impératrice à l’acte final de La Femme sans ombre), sa voix de parfums débordante d’émotion flotte et rayonne dans l’orchestre rapace de Gielen qui semble vouloir l’étouffer dans le voiles méphitiques, de sa nuit de sons. Sublime version, où l’imaginaire sonore de Zemlinsky, si intimement lié à la nouvelle Ecole de Vienne, s’incarne peut-être plus qu’en aucune autre version, si ce n’est celle de Giuseppe Sinopoli (Deutsche Grammophon). Complément idéal, et qui montre à quel point les univers de Mahler et des amis de Schoenberg auront marqué Franz Schreker, une lecture hypnotique de Prélude pour un drame où rayonne ce mystérieux « son lointain ». (Discophilia - Artalinna.com) (Jean-Charles Hoffelé)  La parution de ces archives de la radio de Vienne est fort bien venue. Depuis presque un demi-siècle, l’œuvre de Zemlinsky a connu une belle renaissance au disque. Son chef-d’œuvre orchestral, la Symphonie Lyrique a bénéficié de nombreuses lectures dont celles de Maazel chez Deutsche Grammophon, mais aussi de Gielen, captée à Baden-Baden, en 1994 (Arte Nova) avec, en solistes, James Johnson et Vlatka Orsanic. La dimension onirique de cette partition proprement géniale est magnifiée à nouveau par le chef allemand dans ce concert viennois de 1989. L’orchestre rutile de couleurs provoquant une sorte d’extase et jouant de microclimats. Les deux voix solistes enserrées évoquent tour à tour l’ardeur et la tendresse. De belles prestations qui n’égalent toutefois pas celles de Fischer-Dieskau et Julia Varady sous la baguette de Maazel. Né à Monaco et mort à Berlin en 1934, la musique du compositeur juif autrichien Franz Schreker disparut des programmes de concert après-guerre. Pourtant, Schoenberg le considérait comme l’un des plus grands musiciens de son temps. Le Prélude à un drame est extrait de l’opéra Die Gezeichneten (Les Marqués) que Gielen enregistra également avec Baden-Baden, deux ans après ce « live ». La partition joue de multiples scintillements sonores, des vibrations d’un orchestre gigantesque, capable d’organiser, en quelques mesures, l’immobilisme puis le chaos. Le chef projette une énergie splendide dans cette musique rougeoyante, ultime feu du romantisme. (Jean Dandrésy)  Alexander Zemlinsky composed his Lyric Symphony, Op. 18 for soprano, baritone and orchestra during his time as musical director of the New German Theatre in Prague, where he had moved in 1911 from Vienna. It was generally regarded as his equivalent to Mahler’s Das Lied von der Erde (C210021) and is based on texts by Nobel Prize laureate Rabindranath Tagore (1861–1941), a leading representative of modern Indian literature. The work is paired with a work by Zemlinsky’s friend Frank Schreker – his phantasmagoric Prelude to a Drama, which is a version of the overture of his opera Die Gezeichneten, a work typical of his style.
|