 Le 25 mars 1436, à Florence, le pape Eugène IV consacre la cathédrale de Santa Maria del Fiore, dont la coupole, la plus haute après le Panthéon antique de Rome, vient d'être créée par Filippo Brunelleschi. Cet événement est considéré par les historiens comme l'acte de naissance de la Renaissance florentine, et, au-delà, italienne. Et c'est un musicien « franco-flamand », originaire de Cambrai, grand représentant de l'Ars Nova « gothique », qui est chargé d'en assurer la musique : Guillaume Dufay (1400-1474) avec son superbe motet, »Nuper rosarum flores », véritable hymne à la gloire de Florence. Dès lors, la musique de la renaissance florentine sera résolument franco-flamande, tout au long des grandes heures des Médicis, banquiers et « premiers citoyens » de ce qui n'est plus que formellement une République. Côme de Médicis (1389-1464) recrute, outre Dufay, son non moins célèbre collègue et compatriote Gilles Binchois (1406-1460). Alors que toutes les cours princières d'Italie s'arrachent à prix d'or les meilleurs compositeurs de nord de l'Europe, Laurent le Magnifique (1449-1492) protecteur des arts, des lettres et des philosophes, engage le compositeur germano-flamand Heinrich Isaac (1450-1517) dont la musique accompagnera les fêtes religieuse et profanes de Florence, les carnavals et les fêtes somptueuses données pour éblouir les nobles invités. Laurent, lui-même poète, écrit les textes de certaines chansons présentes dans cet album, ainsi qu'Angelo Poliziano, le philologue, poète et philosophe dont il fera le précepteur de son fils ; le climat s'assombrit pour les Médicis après la conjuration des Pazzi (1748), qui visait Laurent mais a tué son frère cadet. Les carnavals et fêtes publiques sont supprimés. Parallèlement, croît l'influence des prêches du moine dominicain Savonarole, qui reproche aux Médicis leur néo-platonisme mêlant christianisme et paganisme,et aussi le libéralisme des mœurs de la cité.Cette influence se ressent dans la façon dont certaine chanson à tonalité anti-monacale est détournée en une chanson plus dévote... Après la mort de Laurent, puis la débâcle des Médicis en 1498, Savonarole prend la tête d'une austère et éphémère république théocratique. Heinrich Isaac est contraint de quitter Florence pour quelques années, et rentre au service de l'Empereur d'Autriche Maximilien Ier, non sans avoir auparavant mis en musique un pathétique « Qui donnera la paix au peuple effrayé ? » C'est donc près de 60 ans de la vie politique, musicale et poétique que nous retrace l''Orlando Consort... Dans ce laps de temps, la musique évolue. Heinrich Isaac, comme ses confrères, adapte sa rigoureuse culture contrapuntique aux exigences nouvelles de son employeur, acquis aux idées humanistes, à la recherche d'une parfaite adéquation entre poésie et musique, et d'une simplification de la ligne mélodique, frayant ainsi la voie au madrigal qui allait dominer tout le « cinquecento »... C'est cette révolution musicale que nous donne magnifiquement à entendre l'Orlando Consort qui, depuis 1988, a récolté de nombreuses récompenses en arpentant les champs des musiques du Moyen-Age et de la Renaissance. (Marc Galand)

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