 Des trois passions d’Heinrich Schütz (1585 - 1672), cette passion selon Saint Jean est la plus mystérieuse, la plus spirituelle. La musique pure cède souvent le pas à une rhétorique subtile. Rappelons que l’usage de l’époque interdisait tout instrument au sein de l’église et l’oeuvre était jouée à cappella. Le choix du mode grégorien (ici mi) renforce l’aspect « antique » et ésotérique qui lie musique et texte. Schütz ne libère la polyphonie, mélismes et figuralismes qu’en certains endroits plus dramatiques, la violente turba (le choeur de la foule) lorsqu’il s’agit de libérer Barrabas ou le Weg weg mit dem, et certains airs (Mich dürstet ou Es ist vollbracht). Quant aux récitatifs de l’évangéliste, ils se distinguent selon l’usage par une accentuation systématique des mots. Ces principes d’interprétation, respectant l’austérité de la tradition de la Chorale Passion, sont ceux qu’opère Hans Christoph Rademann depuis le début de son intégrale avec le Dresdner Kammerchor. On participe à l’office religieux. Rademann accorde la primeur à la transmission d’un texte difficile (Jean explique plus qu’il ne raconte), aux soliloquenten (la parole des personnages), il distingue finement chaque protagoniste (poignant Jésus de Harry van der Kamp qui n’en fait ni trop ni trop peu) ainsi qu’à l’articulation et la progression du récit lui-même par l’évangéliste (Jan Kobow éloquent et nuancé). Les autres œuvres du disque sont davantage propices à la sensualité et à l’exaltation musicale. La Litanie Kyrie eleison (sur un texte assez prosaïque relatant un fait historique) regorge d’affects exprimés avec force et efficacité (Echange choraux à la Gabrielli, amples mélismes). Le beau motet Unser Herr Jésus Christus in der Nacht est typique du style polychoral vénitien, tandis que le Dialogue Hach Herr, du sohn Davids instaure une « conversation » théologique entre solistes, rendue lumineuse par la grâce de la musique et des chanteurs du Dresdner Kammerchor. Interprétation exigeante pour des œuvres « passionnantes » à qui sait « ouïr, écouter, entendre et comprendre » (selon la formule de Pierre Schaeffer). (Jérôme Angouillant)  With the St. John Passion the triad of Schütz’s settings of the Passion, i. e., all of these settings are now available within the framework of the complete recording of Schütz’s works by the Dresdner Kammerchor under the direction of Hans-Christoph Rademann. The Passions are testimony to Schütz’s highly musical artistic asperations, they are works of his old age and maturity with which an entire musical epoch reaches its conclusion. For today’s listener getting involved with this music, with its artistic reduction of means can lead to a significant musical- aesthetic experience. Purely a cappella singing insures a special, intimate and impressive listening experience, but it demands of the performers perfect intonation and a flawless rendering of the text – a challenge in which soloists Jan Kobow, Harry van der Kamp (the Evangelist), and Jesus, as well as the Dresdner Kammerchor succeed in the most impressive style and manner. This recording of the Passion is complimented by the Litania, “Kyrie eleison, Christe eleison, Kyrie eleison,” the motet for the Last Supper, “Unser Herr Jesus Christus in der Nacht, da er verraten ward” SWV 495 and by the gospel dialog, “Ach Herr, du Sohn Davids” SWV appendix 2.

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