 Les proportions abyssales du quinzième quatuor de Schubert ne semblent pas effrayer le quatuor Takacs qui fidèle à sa réputation, livre une interprétation clairvoyante et haletante à la hauteur du défi que cette œuvre impose. Porté par une prise de son exemplaire, ni trop proche, ni trop réverbérée et qui souligne une identité sonore bien particulière, les musiciens sont mis en lumière autant dans leur excellence soliste que dans leur force collective. Le quatuor déploie avec beaucoup de maitrise les multiples et complexes ambiances que Schubert a noircies entre les lignes, des pianissimi fiévreux comme tendus sur le fil d’un abyme qui s’ouvrent sous les archets à de grands blocs symphoniques et éclatants. Le quatuor D 112 qui termine le programme de ce disque, d’une lignée viennoise plus directe, est lui aussi tenu dans une perfection stylistique qui charme de la première à la dernière note. Un ensemble qui nous enivre de son exigence pour nous raconter au plus près l’intérieur Schubertien. (Jérôme Leclair)  Plus de dix ans pour revenir à Schubert ! Le temps, après un Quintette à deux violoncelles orchestral, après une "Jeune fille et la mort" si étrange, d’apprivoiser les abimes du Quinzième Quatuor. Les quatre archets semblent toujours au bord d’un gouffre dans leur lecture dont les suspensions lunaires rendent la syntaxe de Schubert si moderne. La pure beauté des timbres, l’opulence jusque dans le dolce, les phrasés à la limite du silence, les hallucinations retenues, précises voudrais-je écrire, transfigurent cet univers où tant ce seront engagés avec furia. Pas les Takacs, tout est pensé, pesé, et soudain ce Quatuor devient, par-delà même sa stature symphonique, un monde qui n’aura son égal qu’en "Winterreise". Un "Leiermann" esseulé y distille ses pizzicato, toute une lyrique de l’abandon parcourt les deux premiers mouvements, et jusque pour l’Allegro final, dont le souffle semble comme bridé, le sentiment de la mort ne desserrera pas son emprise. Merveille, le bien moins couru 8e Quatuor chante dans une plénitude de tendresse, dans des élans encore très Sturm und Drang, plus entendus depuis les Melos, c’est dire. Faudra-t-il encore attendre dix ans ? (Discophilia - Artalinna.com) (Jean-Charles Hoffelé)

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