 De 1919 à 1966, le programme couvre presque un demi-siècle, en quelque deux heures. Au-delà de la juxtaposition d’éclairantes notices dans le livret, on peut se demander quel serait le dénominateur commun de ce volume 3 du projet Stravinsky mené par Vladimir Jurowski à Londres. La spiritualité ? Oui pour l’essentiel du CD 2 ; d’une certaine manière pour la Symphonie « dédiée à la gloire de Dieu » (clin d’œil au Soli Deo Gloria du Cantor de Leipzig) ; pas vraiment pour Pulcinella. Le style ? Toutefois, quoi de commun entre le néoclassicisme (certes pasticheur) de ce ballet d’après le baroque italien (Pergolèse mais pas que), et le radical sérialisme de Threni ? Serait-ce donc la notion d’hommage qui fédère ce double-album ? Celui qui s’exprime dans Ode, à la mémoire de Nathalie Koussevitzky (laissant veuf le célèbre), et dans les aphoristiques Variations dédiées au défunt écrivain Aldous Huxley. Et plus largement un tribut aux genres sacrés du passé (Office des Ténèbres, Messe de Requiem), nourri d’une admiration pour les maîtres anciens. Polyphonistes de la Renaissance, Haydn, Bach… Le premier CD rassemble les deux œuvres notoires du lot, et les plus abordables pour le néophyte, mais se heurte à une discographie où dans Pulcinella on applaudira toujours la verve d’Abbado (DG) face à cette version un peu placide, malgré d’honorables chanteurs et un Vivo où trombone et contrebasses dépotent. D’agréables textures instrumentales en tout cas, que raffine une captation aérée. Honnête lecture de la Symphonie, même si Václav Neumann (Praga) exacerbait mieux les tensions formelles. Pour le reste, chœur et orchestre anglais privilégient l’éloquence sur la précision. À ce titre, le témoignage de Robert Craft (CBS, octobre 1966), l’assistant du compositeur, conserve son attrait pour quintessencier les Variations, et le Requiem dont le roide hiératisme échappe quelque peu au chef russe. On y préférerait, ainsi que pour les Lamentations, le geste plus minutieux de Philippe Herreweghe (Phi, 2014). Néanmoins, sur l’ensemble des deux disques, d’une flatteuse phonogénie, Vladimir Jurowski propose d’avenantes interprétations qui séduisent là où le langage dodécaphonique tendrait à rebuter. (Christophe Steyne)  During Vladimir Jurowski’s tenure as Principal Conductor of the London Philharmonic Orchestra, Stravinsky’s music was often a focus of his concert programming. This culminated in a year-long festival, ‘Changing Faces’, in 2018, which traced Stravinsky’s metamorphosis as a composer progressively evolving his musical language, making him a key figure in 20th-century music. Pulcinella marked the beginning of the composer’s middle ‘neoclassical’ period and, like the Symphony in C, demonstrated his playful updating of Classical forms. Jurowski takes listeners on Stravinsky’s exploration of serialism, to his last substantial work, the Requiem Canticles: sometimes spare in texture and austere in expression, yet a movingly sincere restatement of Stravinsky’s Christian faith.
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