Deux maîtres et un condisciple de Tomas Luis de Victoria (1548-1611), le plus célèbre polyphoniste du « siècle d'or » espagnol : L'affiche de cet album est prometteuse et passionnante. C'est autour de la cathédrale d'Avila (Castille-Leon) et de ses maîtres de chapelle que se bâtit cette lignée de polyphonie religieuse. Cette dernière est fondée sur une rhétorique simple et efficace. La mélodie traduit le sens du texte, son message spirituel. La complexité ne doit pas prendre le pas sur un nécessaire dépouillement. Face à la complexité des musiciens flamands, les espagnols s'en tiendront à des textures homorythmiques, à la déclamation syllabique plutôt qu'à l'enchevêtrement mélodique. Ce qui donne à leur musique une dimension statique et contemplative, animée pourtant par la répétition et la variation d'éléments premiers mélodiques ou de blocs rythmiques. D'où une limpidité, une nudité parfois, à la source de l’expressivité. Les musiciens espagnols devancent puis mettent en pratique les recommandations en matière de musique religieuse du Concile de Trente. Commençons par les deux maîtres, peu interprétés au disque. Bernardino de Ribera (1520-1580), dont trois motets sont exécutés dans cet album. Juan Navarro (1530-1580) dont sept motets inédits sont également présentés. Ils ont l'un et l'autre enseigné à Avila dans les années 1550-1560. Parmi leurs élèves, outre Victoria, le moins connu Sebastian de Vivanco (1551-1622), pourtant, aux côtés de Victoria, un des plus grands polyphonistes de la fin du XVIème siècle. Dans son « Magnificat 1°tono », on remarque la complexité de ses canons, l'emploi audacieux des intervalles augmentés ou diminués, les modulations, le mixage des voix, les sauts d'octave, pour traduire le climat du texte sacré. Son motet « Sanctorum Meritis » est écrit dans un style plus simple, faisant alterner imitation et homophonie. Cet album se conclut par un « Salve Regina à huit » de Victoria. Son style est un alliage de mélodies simples, collant au texte, progressant avec une détermination où se glissent des modifications de rythme ou des saillies harmoniques déterminées par le sens des versets mis en musique. Des effets imprévus en rehaussent le style modéré et classique. José Duce Chenoll, directeur musical, l'ensemble vocal Amystis, l'ensemble instrumental Ministriles de la Reyna ont magnifiquement fait résonner ces musiques dans une église, ce qui en fait parfaitement ressentir le contenu spirituel. (Marc Galand) With their previous albums for Brilliant Classics, the Amystis ensemble of singers and instrumentalists have won a following for their exploration of lesser-known sacred and secular masterpieces from the Spanish Golden Age of the 16th century. Tomás Luis de Victoria is the acknowledged master of that period, but relatively little attention has been paid to his childhood and youth, growing up as a chorister in Avila. The music directors of the cathedral at that time, instructing the boy Victoria, were Bernardino de Ribera and his successor Juan Navarro, and so it is especially original and enlightening to hear their music alongside that of their student and one of his contemporaries from Avila, Sebastian de Vivanco, building up a picture of devotional culture in the city from the second half of the 16th century. The album is launched in splendid style by a trio of motets by Ribera, including the Palm Sunday introit Vox in Rama. Five works by Navarro receive world-premiere recordings, including his intensely expressive setting of the penitential text Laboravi in gemitu meo. As well as a Magnificat by Vivanco there is also a first recording for his Sanctorum meritis, and the album’s climax arrives with the familiar mastery of the Salve Regina by Victoria. Under their founder-director José Duce Chenoll, the members of Amystis sing with a single voice to a part, producing consort performances which are acutely sensitive to the ebb and flow of the polyphony and the meaning of the text. The booklet includes an essay by Chenoll on the theme and historical context of the album, as well as sung texts and translations. ‘I wanted to opt for the most realistic sound possible, unsweetened, raw,’ says Chenoll: ‘I wanted to make the listener perceive the polyphony not only in its structural component but also in its spiritual one. Those who listen to this recording will be able to feel what I felt during its performance, they will be able to experience the music as it resounded in the space where it was recorded and will perceive a spatial, almost spiritual sensation beyond the music itself.’
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