 Szymanowski avant lui-même ? Joanna Domanska n’a pas froid aux yeux en présentant sur un seul disque les trois premiers opus que le jeune Szymanowski consacra au piano, son instrument, celui qu’il jouait dans son domaine d’Ukraine avec Heinrich Neuhaus. Ce dernier donnait des après-midi de musique où Chopin et Scriabine régnaient en maîtres, Szymanowski déduisant de cette fréquentation son propre univers sonore. Tout au long de l’Opus 1 elle fait subtilement entendre ces allers et retours entre l’épure de Chopin et les paradis opiacés de Scriabine (le 7e Prélude), mais la tempête du 5e montre soudain, dans un raptus la vraie signature du compositeur. Bien vu, comme les redoutables Variations op. 3 où la pianiste parvient à éloigner le spectre de Reger pour faire entendre la singularité de l’univers harmonique du compositeur. Les Etudes op. 4 apporteront une libération supplémentaire de l’humeur, des étrangetés qu’elle soigne dans un toucher versicolore ou qu’elle laisse fuser dans les Allegros un rien démoniaques. Et quelle belle idée d’entendre dans les complexités de la grande Fantaisie de 1905 comment Szymanowski, dès le Grave, largue les amarres, disant adieux au romantisme allemand comme aux idiosyncrasies de Scriabine. La tonalité est repoussée, le discours s’ébarbe, les intervalles créent des précipices dont la pianiste s’empare sans craindre les difficultés d’une écriture plus guère pianistique. Bravo ! (Discophilia - Artalinna.com) (Jean-Charles Hoffelé) Pour le label DUX, Joanna Domanska enregistre de nouveau Szymanowski (1882-1937), s’intéressant aujourd’hui aux œuvres de jeunesse. Celles-ci voient le jour entre 1900 et 1905, d’abord dans la ville natale du compositeur, Tymoszówska – enclave de la noblesse polonaise en Ukraine –, puis à Elisavetgrad (école de Neuhaus) et à Varsovie où sa formation musicale se consolide (Zawirski, Noskowski, etc.). À la veille de promouvoir Jeune Pologne, société d’édition qui défendrait l’avant-garde face aux conservateurs, Szymanowski lorgne une Russie affranchie des modèles germaniques. Scriabine lui plaît particulièrement, qui rejoint un Chopin tout aussi « futuriste ». Ses échos abondent dans Neuf préludes op. 1 et Quatre études op. 4, alliant mélancolie et lyrisme – avec quelque chose de Grieg, en filigrane. L’interprète s’y distingue par une respiration et un phrasé avantageux. Plus académique, la conception des Variations op. 3 favorise heureusement la brièveté des douze portions à suivre le thème. Enfin, la Fantaisie op. 14 témoigne, par une écriture du silence, de l’affection pour Debussy ; mais c’est Liszt qui domine ici, funèbre et extatique, avec quelques épigones (Rachmaninov, Ravel, etc.). (Laurent Bergnach) The youthful compositions of Karol Szymanowski presented on the album were created in 1899–1905. The majority of them was composed in Tymoshivka, Ukraine, and during Szymanowski’s studies in Warsaw. Harmony lessons with Marek Zawirski and counterpoint and composition ones with Zygmunt Noskowski complemented the knowledge that the young composer was drawing from his in-depth analyses of works of great masters. According to a popular belief, works of Fryderyk Chopin and Alexander Scriabin served as a model for theform and texture of the Preludes, op. 1 and Etudes, op. 4; the virtuoso pianism of Variations, op. 3 and Fantasy, op. 14 referred to compositions of Johannes Brahms and Franz Liszt, whereas Szymanowski’s harmonic language in the first period of his work was shaped by the music of Richard Strauss and Richard Wagner. The influence of other composers on Szymanowski’s early works has been widely considered in all possible analyses and dissertations, which wrongly suggests lack of originality of their author. Meanwhile, Szymanowski’s early piano opuses are works full of noble, poetic inspiration and spontaneous expression, which ensured them a permanent place in the piano repertoire.
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