Élève de Schütz et contemporain de Buxtehude et de Reinken, Johann Thiele composa cette Passion selon Saint Mathieu en 1673, quelques années après celle de son maître. Introduite par une brève Sinfonia, l’œuvre est conçue comme un vaste récitatif entrecoupé de quatre arias et de chœurs. Les voix solistes (Jésus et l’Évangéliste) sont accompagnées d'une basse continue restreinte tenue par deux violes de gambe, le chœur lui est doublé par l'ensemble instrumental au complet. Si la partie du récitant repose sur une même mélodie variée, cette dernière est heureusement égayée par les ritournelles du chœur et des instruments. Le Christ s'exprime de façon plus dramatique grâce à de fréquents recours au chromatisme. Insérées à des moments stratégiques dans la partition, les airs ont pour but de relancer le contenu émotionnel de l’œuvre. Dans ces quelques prières étrangères au texte de l’évangile, Theile use d'une écriture syllabique ou en imitation, visant toujours à privilégier l'expression du texte. On retiendra de cette Passion manifestement imprégnée de la musique de Schütz, les émouvantes stases du Christ, le chœur avec entrées fuguées du deuxième acte ainsi que le "Und es waren viel Weiber da" final qui convoque l'intégralité des voix et instruments dans un céleste chant de grâce. Parcours sans faute du Wieser Renaissance qui possède une façon unique d'illustrer ce répertoire entre Renaissance et Baroque. (Jérôme Angouillant) At the fourth concert of our series »Music from Wolfenbüttel Castle« in 2019, the St. Matthew Passion Das Leiden und Sterben unseres Herrn Jesu Christi was performed and recorded. After the death of Johann Rosenmüller the Wolfenbüttel court selected a new chapel master in 1684: Johann Theile, who in the view of Duke Anton Ulrich and his musical advisors had always been a very well-qualified candidate. It is to be assumed that Theile’s experience in the field of the opera recommended him for the post of court music director in Wolfenbüttel – after all, during his tenure, which lasted from 1685 to 1689, a court opera theater was established at Wolfenbüttel Castle, where works by Lully and Italian composers were performed. The multifaceted richness of Theile’s compositional artistry is reflected in special measure in his St. Matthew Passion published in Lübeck in 1673. In it elements of the traditional church style are combined with progressive techniques of dramatic narration and meditative reflection in song. In their subtle emotionality, which is expressed both in the leading of the voice parts and in the design of the instrumental ritornellos, the arias and canzonettas invite listeners to engage in personal, highly emotional contemplation of the Biblical events, very much in the spirit of the Pietistic currents that then were taking shape. While most listeners will be familiar with the accompaniment of the words of Christ by stringed instruments from the Passions of Johann Sebastian Bach, the accompaniment of the Evangelist’s narrative with gambas in Theile’s Passion produces an entirely new and different effect.
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