 Il ne subsiste qu'une petite partie de l'œuvre très prolixe de Johann Philipp Krieger. Et la singularité de ces 12 sonates publiées en 1693, soit deux décennies après le voyage d'environ trois ans qu'il effectua à Venise et à Rome où il fut l'élève de Rosenmüller, de Volpe et de Pasquini avant de regagner l'Allemagne et de servir jusqu'à sa mort la cour des princes de Saxe-Weissenfels, est, peut-on dire, leur caractère doublement anachronique. C'est au baroque précoce des successeurs quasi immédiats de Frescobaldi et de Monteverdi que renvoie d'une façon saisissante le style de cette musique : Cima, Uccellini, Dario Castello par exemple. Ces sonates miniatures (la plus longue n'excède pas 11 minutes) juxtaposent non des mouvements conférant à chaque pièce une unité organique, mais de courtes séquences qui sont comme autant de perles enfilées de façon aléatoire en un collier asymétrique. Elles évoquent métaphoriquement une succession impromptue de courtes scènes théâtrales de la commedia dell'arte dont chacune présenterait un personnage, un caractère ou un affect. Cet aspect aphoristique, cet ordonnancement où transparaît de façon parfois surprenante une sorte d'arbitraire, cet "effet" constant de spontanéité sont paradoxalement très modernes. Par ailleurs l'emploi de la viole de gambe comme instrument soliste, renvoie quant à lui, à des musiques plus tardives, marquées par l'empreinte de la France ou de l'Angleterre. La basse continue est fournie : théorbe, clavecin, psaltérion, orgue, harpe sont, par groupes variés, mis, selon les sonates, à contribution. Choix parfaitement justifié des interprètes. Un kaléidoscope sonore d'une richesse confondante, un cosmos musical aux multiples facettes, d'où résulte un rare bonheur et un plaisir continu nous sont ici offerts. Somptueux! (Bertrand Abraham)  It is difficult to understand why the twelve sonatas by Johann Philipp Krieger recorded here are almost completely forgotten today. Those who listen more closely to them will discover a rich cosmos of melodic, harmonic, and stylistic ideas that could hardly be rendered more vividly in musical tones. These Baroque sonatas seemingly randomly join together the most sparkling strands of pearls – short and very short little movements, spontaneous ideas, witty episodes, and oscillating emotional states in what are rapid and above all fascinating sequences. They are to be understood as little scenes of a musical drama »en miniature.« Krieger’s sonatas structured in small units recall characters on the stage in their careful design and perfect compositional-technical elaboration. They engage in cooperative action, oppose each other, and react to each other, enter into musical dialogue or competition, fall in love with each other and rise up in mutual embrace, and laugh or cry together – just as in real life.

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