Il faudrait parler d'un « phénomène » Scelsi, unique dans l'histoire musicale, plutôt que du « compositeur d'une œuvre » au sens habituel qu'on donne à cette expression. En effet, les paramètres, les notions, les conceptions sur lesquels repose la musique occidentale sont subvertis, remis en cause par ce qui advient sous le nom de Scelsi, vers la fin des années cinquante, lorsque ce dernier, après son internement psychiatrique, fait table rase de tout ce qu'il a accompli jusqu'alors. Bouleversant le processus de la soit-disant «création » artistique, il s'affirme comme improvisateur, enregistrant-archivant sur magnétophone le fruit d'une inspiration tournée d'abord vers le piano, puis l'ondioline, instrument monophonique, précurseur du synthétiseur, capable de produire des intervalles microtonaux. Scelsi est un expérimentateur, un « Homme du Son » (titre d'un des écrits produit à son propos chez Actes Sud). Rien de plus concret, matérialiste en un sens que son travail, dans l'extrême détail. Rien en même temps de plus spiritualiste : nié comme tel, le compositeur n'est qu'un médium transmettant un message venu d'une transcendance non liée à une religion particulière mais participant de toutes les traditions spirituelles, mythologiques, et renvoyant à toutes les formes de civilisations. La partition n'est là qu'un artefact mineur : matériau qu'il fait établir par d'autres, après coup, à partir des enregistrements, trace (très imparfaite) et sans grande importance alors que développant tout un rituel, une gestuelle même, une poétique et une philosophie, il tenait beaucoup plus au travail en contact direct avec ses « interprètes» . Les « pièces » réunies ici sont parmi les plus significatives : car le son des cordes peut donner lieu à une infinité de traitements jouant sur un très grand nombre de variables. Raréfaction ascétique, abstraite, ésotérique, d'un abord difficile, mais d'une richesse mallarméenne à couper le souffle. (Bertrand Abraham) Giacinto Scelsi is one of the most original Italian composers of the twentieth cen-tury. The symbolic choice of Rome as his home represented Scelsi’s own cultural, artistic and spiritual interests. His fasci-nation for Eastern philosophies, Yoga and Zen meditation are combined with a insightful knowledge of Christian, Greek, Egyptian and Mesopotamian mytholo-gies; Scelsi’s library and collection of re-cordings displays his cultural interests, his curiosity and openness to the intrica-cies of the mind and his lifelong quest for a dialogue between different expres-sions of human spirituality. Marco Fusi, one of the leading performers of contem-porary music, presents his readings of some of Scelsi’s intriguing works for vio-lin and for viola solo. For the listener, this is a journey into a futuristic vision from a past era.
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