WERGO présente le dernier trio de Morton Feldman, For Philip Guston, d’une durée de plus de 4 heures par l’ensemble Breuer-Engler-Schrammel. Une œuvre écrite par Feldman à la mémoire de son meilleur ami, le peintre américain Philip Guston, dont le motif initial, C–G–A-flat–E-flat (Do-Sol-La bémol-Mi bémol), fait référence à celui qui les avait présentés, John Cage. En route pour un voyage intergalactique ? Sans doute. La musique de Feldman, qu’elle soit brève ou longue, nous plonge irrémédiablement dans un autre univers, d’une tranquillité incroyable et d’une grande puissance expressive. Les continuums étendus du compositeur américain gardent un pouvoir hypnotique, dont il est en définitive difficile de se défaire, comme il n’est pas aisé de se souscrire à la routine incessante de la vie quotidienne. For Philip Guston, pour flûte, piano et percussion, dure quatre heures. Cet hommage au peintre de la New York School, à laquelle appartenaient également Jackson Pollock et Willem De Kooning, autres amis de Feldman, demande une grande concentration de la part de l’auditeur, qui ne résistera cependant pas longtemps à une sensation de basculement dans un monde lunaire, sans repères, d’où seule une puissance tutélaire peut l’extirper - le compositeur est seul maître de son œuvre, pour les interprètes, cela s’avère moins évident. Par son étrange audace, Feldman redonne également la primauté au son, au plaisir sensuel, presque tactile du son. Un album (4 CD) qui coupe littéralement le souffle, une expérience à connaitre, gravée pour l’éternité chez Wergo par trois musiciens absolument exceptionnels : Julia Breuer, aux différentes flûtes (piccolo, flûte, flûte-alto), Matthias Engler aux percussions (glockenspiel, vibraphone, cloches tubulaires, marimba) et enfin Elmar Schrammel (piano, célesta). Ne ratez pas la conclusion de l’œuvre (environ les 30 dernières minutes), assez bouleversante, où Feldman retrouve le climat de sérénité retrouvée – comme en apesanteur - de certaines œuvres d’Igor Stravinski, telles Les Cloches, Le Chant du Rossignol ou Orphée. (Pierre-Yves Lascar) Né le 12 janvier 1926 à New York, Morton Feldman étudie le piano avec Madame Maurina-Press, une élève de Busoni à qui il dédiera Madame Press Died Last Week at Ninety (1970). Ses premières compositions sont influencées par le style de Scriabine. Wallingford Riegger, en 1941, puis Stefan Wolpe, en 1944, deviennent ses professeurs de composition. Au cours de l'hiver 1949-1950, il rencontre John Cage qui l'encourage dans une voie intuitive, loin de tout système. Tenté par l'écriture graphique qu'il utilise dans Projection 2, il y renonce entre 1953 et 1958, puis de manière définitive en 1967, avec In Search of an Orchestration, refusant que ses interprètes travestissent une telle notation en art de l'improvisation.Ami du poète Franck O'Hara, du pianiste David Tudor, des compositeurs Earle Brown et Christian Wolff, des peintres Mark Rothko, Philip Guston, Franz Kline, Jackson Pollock et Robert Rauschenberg, dont les noms jalonnent les titres de nombreuses compositions, il est nommé professeur à l'Université de New York/Buffalo (1973-1987), où il occupe la chaire Edgard Varèse. En 1984 et en 1986 il enseigne aux Ferienkurse für Neue Musik de Darmstadt. Il meurt le 3 septembre 1987. (Copyright Ircam)
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