 Invoquer Bach c’est toujours, en quelque sorte, légitimer un retour aux sources. Mais c’est aussi, très souvent, pour le public ordinaire, n’entendre que la voix de Johann Sebastian et oublier que dans sa prodigieuse progéniture de 22 enfants, indépendamment des conditions historiques de survie des nouveaux nés de l’époque, un certain nombre de ces enfants surent, par leurs intrinsèques qualités musicales, se faire une renommée encore perceptible et reconnue aujourd’hui. C’est ce que nous présente dans cet enregistrement l’Elbipolis Barockester de Hambourg. Au cœur du disque, on ne s’étonnera pas de trouver l’hommage au Père, avec les 3e et 5e Concertos Brandebourgeois, interprétés ici avec une verve et une fougue correspondant assez bien au tempérament sensuel, « bon coup de fourchette et ardent buveur », que reconnaît en lui Gilles Cantagrel. La célèbre cadence virtuose du Concerto en Ré majeur BWV 1050 y est magistralement interprétée par la claveciniste Olga Chumikova. Entre ces deux piliers du répertoire, place à deux de ses fils. Tout d’abord Carl Philipp Emmanuel (1714-1788), celui dont son père disait « C’est du bleu de Prusse ; ça se décolore ! » parce qu’il officiait à Potsdam à la cour de Frédéric II, illustré ici par une Sinfonia en Ut majeur très représentative de l’esthétique expressive « Sturm und Drang », dont le Concertmeister Jurgen Groß sait parfaitement rendre le caractère surprenant des bizarreries d’une rhétorique si profuse en contrastes appuyés. Puis, à l’autre extrémité de ce disque, Wilhelm Friedmann (1710-1784), le fils préféré mais dont l’existence instable de musicien indépendant fut ponctuée par une série de déconvenues qui le conduisirent à décéder dans la pauvreté. La Sinfonia en Fa majeur sous-titrée « Dissonant », probablement composée vers 1744, porte la trace de ce caractère tourmenté en mêlant les rythmes pointés traditionnels de l’ouverture à la française aux harmonies surprenantes et aux contrastes dynamiques du style galant. Avec esprit et virtuosité, la flûte traversière de Regina Gleim y dialogue avec le violon flamboyant du Concertmeister. En bref, outre une opulente prise de son, nous avons là une publication qui ajoute un réel intérêt historique de généalogie musicale à sa parfaite réalisation instrumentale. (Jacques-Philippe Saint-Gerand) During the seventeenth and eighteenth centuries, the Bach family with its many branches occupied an exceptional position in Central German music life. Over several decades, its members were guarantors of high musical quality at numerous princely courts as well as at ecclesiastical and municipal institutions. Among Bach’s best-known works written in Köthen are six instrumental concertos which the Kapellmeister dedicated in March 1721 to Margrave Christian Ludwig von Brandenburg, resulting in the title which is commonly used today, the “Brandenburg Concertos”. Stylistically, these works form part of the so-called “group concerto”, which was particularly popular in Germany. In this concerto genre different solo instruments are combined with each other, thus producing very different colours within one concerto. In Brandenburg Concerto No 5 in D major (BWV1050), the transverse flute, violin and harpsichord take on the solo parts. Brandenburg Concerto No 3 in G major (BWV1048), on the other hand, is entirely dedicated to string instruments. Three violins, three violas and three cellos form a trichoral structure above the continuo. Bach was eventually appointed as Thomaskantor in the spring of 1723. In this new post, Bach was primarily responsible for composing and directing church music. Despite this workload, Bach also managed to find time in his Leipzig years to devote himself to instrumental music, including concertos. The Violin Concerto in A minor (BWV1041) survives as a set of parts from around 1730, which Bach almost certainly made for his Leipzig Collegium musicum. The eldest son, Wilhelm Friedemann, is widely regarded as Johann Sebastian Bach’s “favourite son”, whose career he followed with particular paternal love and concern. He obtained his first position in 1733 as organist at the Sophienkirche in Dresden. Wilhelm Friedemann Bach’s Sinfonia in F major (Fk 67) for string orchestra was almost certainly written during his Dresden tenure. Friedemann’s brother Carl Philipp Emanuel, four years his junior, also received his musical training from their father. It was the diplomat and music lover Gottfried van Swieten who encouraged Bach in 1773 to write new symphonies in which the composer could “let himself go completely without taking into account the difficulties that might necessarily arise for the performance”. They are characterised by rhetorical dynamics, great contrasts and often bizarre motifs, bearing witness to the unstoppable inventiveness of their creator.
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