 Le pianiste écossais Steven Osborne (1971-) ajoute un nouvel item à ses trois remarquables enregistrements pour Hyperion d’œuvres de Debussy : Préludes (CDA 67530), Études (CDA 69409), Images, Estampes ainsi que Children’s Corner (CDA 68161). Un enregistrement qui embrasse aujourd’hui les précédents puisqu’il propose les premières et dernières compositions de Claude de France, et fait découvrir des pièces rarement jouées. "Danse bohémienne" date de 1880, l’époque où Debussy était à Florence, pianiste de la maison de Nadedja von Meck, l’égérie de Tchaikovski, et recueillit de ce dernier une appréciation sans ambages : "une gentille chose, mais tellement courte, avec des thèmes qui ne mènent à rien et une forme chiffonnée quoi manque d’unité". L’œuvre ne manque pourtant pas de charme juvénile. À l’autre extrémité de sa vie, miné par le cancer qui l’emporta, Debussy supporte mal le froid parisien de l’hiver glacial 1916-17 et gratifie son marchand de charbon Tronquin, qui lui livre un sac du précieux combustible, d’une pièce dont le titre est emprunté au poème de Baudelaire "Le Balcon" : "Les soirs illuminés par l’ardeur du charbon"… Dans l’intervalle les deux Arabesques bénéficient d’une interprétation pleine de subtile fluidité, la Suite bergamasque rappelle en son "Clair de lune" les nostalgies verlainiennes tandis que les arpèges en staccato du Passepied final nous ramènent aux origines de la danse. Contre le stupide wokisme ambiant, "The little nigar" rappelle opportunément que le cake-walk est à l’origine une parodie noire des vanités blanches et de la valse mondaine. Avec esprit et un pianisme d’une virtuosité ductile et sensible hors du commun, Steven Osborne restitue à ces œuvres tout leur intérêt, et nous rappelle opportunément que l’Écosse est aussi terre de grands pianistes : Lamond, Stevenson entre autres, au niveau desquels il se hisse aisément. Admirable et très vivement recommandé ! (Jacques-Philippe Saint-Gerand)  Tenir les deux bouts de l’imaginaire debussyste, voila ce que Steven Osborne tente ici. Son piano si parfaitement éduqué, si versé dans la littérature française, où pas un marteau ne parait, a un petit coté Gieseking qui en agacera certains et ravira les vrais amis du faune. Admirable comme il souligne le ton encore un peu Chabrier de la Danse bohémienne, avant de faire sa Mazurka, ses Arabesques fluides, dorées d’harmonies déjà un peu étranges, pour mieux s’engager dans les mystères de la Valse romantique, dans les paysages mystérieux de la Ballade faussement slave, vrai hommage à peine dissimulé à Chopin. Le miroitement des timbres, l’art allusif des phrasés, l’élégance nostalgique du tout qui berce une fabuleuse Suite bergamasque, des Images oubliées automnales, vont comme un gant à ces pièces coulées de la plume d’un jeune homme. Mais la profondeur harmonique de son beau piano exalte avec autant de bonheur la bouleversante Elégie, le tendre murmure des « Soirs illuminés », disant avec pudeur les méditations fugitives de l’ultime Debussy. Suite d’une intégrale Debussy ? Il le faut. (Discophilia - Artalinna.com) (Jean-Charles Hoffelé)

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