Explosif ! Virtuose ! Une version quasi orchestrale des plus célèbres tangos de Piazzolla et de ses contemporains avec « seulement » un violoncelle et un piano ! A écouter de toute urgence. Celloproject, un complot de Cellotango !  Le projet (prononcer project, c'est plus chic) est désormais au discophile ce que fut l'atmosphère à Arletty. Et le tango classiqueux rime avec l'impetigo de notre jeunesse (croûteux ou bulleux, à votre choix) : une contagion très tendance, et même furieusement post-moderne. Le critique surdésigné volontaire dans le genre n'en dort plus. Cerné par sa bouée canard, son rédacteur en chef musical se rend sans conditions à son propre désir de vacances, hormis pour autrui l'urgence de la copie. Va donc pour le ''cello project'' ici de nos deux lascars, que nous connaissions déjà sortant de sentiers aussi rebattus que nos oreilles de mélomane chenu (par exemple, dans un autre CD associant à Rachmaninov le totalement méconnu Kapustin). Mais catégorie tango argentin dont Carlos Gardel fut le pape et Astor Piazzolla son prophète classico-jazzifiant, on a possiblement des surprises : ça scande, mais parfois aussi ça s'épanche dans la cantilène purement lyrique. Qui n'avance pas recule, rappelait le chef du contentieux de la chanson de Jacques Brel. Ce dénommé Dupneu était donc très exactement un danseur de tango, davantage peut-être que nos deux interprètes du jour qui, souvent, manquent de résolution appuyée dans l'énergique registre de la rythmique chaloupée. Marche avant, marche arrière, ils laissent plutôt aller la boîte automatique, comme si on était davantage dans la valse que dans le tango. A écouter, de toute façon, en respectant la posologie raisonnable. Des mémoires de frondeur (donc mi-17ème siècle) nous racontent qu'au lendemain de sa nuit de noces, un jeune marié fort malade réapparaît soudainement en pleine forme devant les invités. Dont l'un lui demande alors : ''Vous avez donc trouvé le remède, mais dites-nous la dose.'' Avec le coup de reins du tango, c'est pareil itou. (Gilles-Daniel Percet)  Il existe vraiment peu de musiques qui suscitent autant d’associations avec la passion et le tempérament, mais également avec autant de clichés que le tango. Son érotisme, ainsi que son inclination pour la mort, souvent subtile, en ont fait le motif d’innombrables films, le couronnant roi de tous les cours de danse. Imprimer sa propre griffe dans ce contexte n’est pas facile. Le duo berlinois « cello project » d’Eckart Runge (violoncelle) et de Jacques Ammon (piano) y est parvenu de façon magistrale grâce à ses arrangements sortant des sentiers battus et ses réenregistrements de classiques fameux. Afin de revisiter avec son répertoire des chansons célèbres, telles que « El Choclo » d’Angel Villoldo ou « El dia quem e quieras » de Carlos Gardel, le duo n’hésite pas à remonter loin jusqu’aux racines du tango argentin, alternant avec virtuosité les rythmes classiques de danse avec les éléments parfois étranges, prenant parfois des allures de fugue, du Tango Nuevo. Deux morceaux tirés du cycle de Piazzolla, « El Angel », ont même pour sujet les êtres divins et ailés : laissez-les se frayer un chemin jusqu’à vos tympans !

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