Qu'elle est plaisante, cette musique ! La sonate en trio fut une des formes les plus populaires et les plus caractéristiques de la période baroque. Comme son nom ne l'indique pas, elle est fondée sur une polarité entre un « chant », attribué à un ou deux instruments aigus, mélodiques, violon ou, comme dans cet album, cornet à bouquin, et une « basse » confiée à un ou deux instruments harmoniques, ici, le violoncelle, le clavecin ou l'orgue. La basse, régulière et structurée, obstinée, permet aux voix mélodiques d'évoluer librement. L'album que nous offre l'Ensemble Mvsica Perdvta nous permet de jouir pleinement de l'éclosion et du mûrissement de cette forme en Italie, au cours des années 1620. Les « Canzoni da sonare a uno, due, tre e quattro » de Girolamo Frescobaldi (Ferrare, 1583 – Rome, 1643), maître incontesté de la musique instrumentale de son temps, sont publiées à Rome en 1628, puis rééditées à Venise en 1634. Ses canzoni se caractérisent par des thèmes très enjoués, des notes répétées, un contrepoint moins rigoureux que dans ses ricercari. Le violon y est ici remplacé par le cornet, seul instrument susceptible de le concurrencer dans la virtuosité, comme nous en convainc le cornettiste David Brutti. Dans une de ces « canzoni », le clavecin (Nicola Lamon) assume à lui seul les deux rôles de « chant » et de « basse ». Quant à Dario Castello (Venise, 1602 – Venise, 1631) on peut se demander s'il n'aurait pas encore surpassé Frescobaldi s'il n'était pas mort à 29 ans. Ce disciple de Monteverdi ne nous a légué que deux recueils de sonates, parus à Venise en 1621 et 1629. Sonates très virtuoses, proclamées en « stile moderno », et qui tiennent leur promesse. Elles font évoluer la canzone vénitienne d'ensemble vers la sonate à quelques voix. Elles présentent par là un style plus moderne encore que celui de Frescobaldi. Elles se caractérisent par une nette différenciation rythmique et formelle entre leurs mouvements. Castello y exploite des effets d'écho, qui seront abondamment imités. Notre album est opportunément complété par une très jolie « sinfonia terza » de Giovanni Girolamo Kapsberger (? Venise, ? 1580 – Venise, 1651), il « tedesco del liuto », interprète virtuose et compositeur pour le luth et le chitarrone. En bref : Un album dont on se régale. (Marc Galand) The trio sonata was one of the baroque period’s most popular instrumental forms. While in its ‘classic’ form it features two higher-pitched instruments, a melodic bass instrument and basso continuo, there were several others, including a popular variant for one high-pitched instrument, one bass instrument and continuo chosen by a substantial number of composers in the 17th century and beyond and resulting in a significant number of compositions. In this setup, the writing for the melody instrument is more virtuosic than in a ‘conventional’ trio sonata, and it performs more of a solo role, unlike in the trio sonata, where it is more of a first among equals. At the same time, the bass instrument is used idiomatically instead of being relegated to a mere basso continuo. This contributed greatly to bolstering its role as a solo instrument, and it was given ever greater prominence as the second half of the 17th century progressed. From the numerous Italian composers who wrote for this genre, for this album Mvsica Perdvta have selected the two who had the greatest influence on the establishment and development of chamber music: Girolamo Frescobaldi (1583–1643) and Dario Castello (1602–31). The first edition of Frescobaldi’s Canzoni da sonare a uno, due, tre e quattro, published in Rome in 1628 (and later republished in a slightly different version in Venice in 1634) sits chronologically between the two books of Castello’s Sonate concertate in stil moderno, published in Venice in 1621 and 1629 respectively. While Frescobaldi’s canzoni can be considered the culmination of a genre that was already in decline, Castello ushered in a form that, evolving through countless different variants, would for centuries remain the leading chamber music genre. Castello’s style is faithful to the promise of its title: it still sounds very ‘modern’ for its time, especially when – as in this album – it is paired with the oeuvre of Frescobaldi, the epitome of the instrumental canzona. Completing the CD is a short work by Giovanni Girolamo Kapsberger (Venice, c.1580 – Rome, 1651), the only sonata that the composer known as the ‘Tedesco della tiorba’, or ‘German of the theorbo’, wrote for this ensemble, taken from Il primo libro di Sinfonie a quattro con il basso continuo (Rome 1615).
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