 On croyait la bande enregistrée dans la foulée de la reprise du ballet en 1976 perdue, voici qu’elle refait surface. A 24 ans, Boris Tishchenko composait pour la troupe de Leonid Yakobson un ballet inspiré par le grand poème d’Alexander Blok « Les Douze », partition fulgurante, emplie d’alliages instrumentaux saisissants et d’effets sonores percutants, en tout l’œuvre de l’enfant terrible de la nouvelle musique russe valant pour manifeste. On était en 1963 mais déjà Tishchenko était absolument lui-même, reconnaissable à sa syntaxe unique et à son maniement virtuose de l’orchestre qui bluffait tant Dmitri Chostakovitch. L’enregistrement princeps n’illustrait pas la partition complète, faisant notamment l’impasse sur l’apparition du Christ au final, interdit par la censure soviétique et donc retiré du ballet, elle fut enregistrée avec deux autres numéros manquant par Peeter Lilje et son orchestre estonien en 1982. On doit l’identité sonore si proche des deux captations à Felix Gurdzhi qui n’eut de cesse de produire un enregistrement de la totalité de cette œuvre stupéfiante. En addendum l’éditeur ajoute les tardives (2005) Variations sur trois thèmes de D. Chostakovitch, hommage ému et impertinent à la fois, du disciple à son maitre. (Discophilia - Artalinna.com) (Jean-Charles Hoffelé)  C’est suite à une commande du chorégraphe Leonid Yakobson que Boris Tichtchenko a composé la musique du ballet « Les Douze » (1963). L’argument est basé sur l’œuvre éponyme datant de 1918 de leur compatriote Alexandre Blok inspirée par la Révolution d’Octobre. Suivant un cycle de douze poèmes à la continuité narrative relatant l’avancée de douze soldats dans une tempête de neige, le style est d’une modernité novatrice s’appuyant sur des vers libres aux rythmiques saccadées utilisant un langage rude, populaire et directement évocateur. La musique de Tichtchenko en respecte la structure en douze tableaux et s’inspire du discours rythmique de l’auteur. Son esthétique exprime la modernité stylistique de l’époque avec ses véhémences orchestrales aux riches couleurs, cuivrées, percutantes, inattendues, ses accents rythmiques prononcés, ses harmonies complexes, âpres et rugueuses, ses fragments mélodiques obsédants engendrant une œuvre scénique haute en couleurs et intense à l’expressionnisme flamboyant et conquérant, entre accalmie et fureur. Fervent admirateur de Chostakovitch, Tichtchenko composa les grandiloquentes « Variations sur trois thèmes de Chostakovitch » (2005) qui clôturent ce programme en hommage à celui dont il fut l’élève et l’ami, respectueuses de l’art du maître tout en y ajoutant subtilement sa touche personnelle. (Laurent Mineau)

|