Johann Sebastian Bach (1685-1750)
Sonate pour orgue n° 1 en mi bémol majeur, BWV 525
Sonate pour orgue n° 2 en do mineur, BWV 526
Sonate pour orgue n° 3 en ré mineur, BWV 527
Sonate pour orgue n° 4 en mi mineur, BWV 528
Sonate pour orgue n° 5 en do majeur, BWV 529
Sonate pour orgue n° 6 en sol majeur, BWV 530

Aart Bergwerff, orgue (orgue Wiegleb (1739), St. Gumbertuskirche, Ansbach)

Entrepris en 1739, reconstruit en 2004-2007, l’orgue de la Gumbertuskirche d’Ansbach demeure un chef-d’œuvre de la facture baroque de Thuringe. Dosant parcimonieusement la vaste palette de 47 jeux, son titulaire Rainer Goede avait enregistré les Triosonaten en mai 2012 (Querstand) : lecture à voix solistes, maintenues au sein d’une même sonate, invariablement structurées sur le ViolonBass 16’ du pédalier, pour un résultat épuré. Ce témoignage ne doublonnera aucunement celui d’Aart Bergwerff, aux registrations copieuses. Surtout dans les finales, lestés au détriment de l’élan, testant la tenségrité, osant jusqu’à 23 jeux en accouplement dans celui de la BWV 529 ! L’interprète néerlandais n’a pas la main aussi lourde dans les deux premières parties de chaque triptyque, rationnant des mélanges qui à la clarté polyphonique préfèrent l’expressivité –certes nourrie de tempo giusto, en-deçà duquel on suspecterait un complaisant traînage. Même les tuyaux flûtés affichent une granulosité qui chatouille l’oreille, pour ne rien dire des Principaux. Telles poreuses couleurs pénètrent au cœur des sections centrales, madéfiées jusqu’au sentimentalisme, non sans séduction Rococo (les trilles à 4’49 dans l’Andante BWV 528). Loin de la souple volubilité que mégissait Ton Koopman en la Waalse Kerk (DG), de la perfection chorégraphique de Kei Koito à Groningen (Harmonic Records), cette nouvelle version affirme un somptueux commerce de textures, valorisé par une captation étonnamment immersive. L’acuité des timbres (les harmoniques, les transitoires !), le réalisme du phasage, la spatialisation : ce double SACD ravira les audiophiles. Pareil spectacle sonore magnifie cette interprétation dont l’hédonisme épouse la théâtralité. On s’enivrerait à moins. Et l’émotion rayonne constamment, ce n’est pas si fréquent avec ces six cahiers irréductibles à une sèche virtuosité. Merci pour la démonstration. (Christophe Steyne)

In Johann Sebastian Bach’s six organ sonatas, three independent voices sound interchangeably. The right hand plays the highest voice, the left hand the middle voice and the feet the bass. A true musician wants to play each voice as if for the first time, responding spontaneously to what the others bring up. To bring such a sung conversation to life with hands and feet, he listens with equal attention and love to all the voices simultaneously. It is a miracle that it can be done. When it succeeds, it all seems simple and natural. A world opens up to the listener, in which it is hardly imaginable that there is anything more beautiful than a trio sonata by Bach.