 Le centenaire de la naissance d’Anton Bruckner a naturellement suscité un surcroît de productions discographiques : nouveautés et rééditions confondues. Parmi ces enregistrements son œuvre pour piano, longtemps négligée et jugée très secondaire, a connu un regain d’intérêt. Wolfgang Brunner (CPO), Fumiko Shigara (Bis), Ana-Marija Markovina, Rudolf Meister (Hänssler Classic), Francesco Pasqualotto (Brilliant Classics) et plus récemment Mari Kodama (Pentatone) ont redonné vie à ce que nombre de critiques considèrent comme un pré-Bruckner, schubertien parfois, avant le Bruckner, Ménestrel de Dieu et symphoniste que l’on connaît. De 1861 à 1863, doutant de sa maîtrise de l’orchestration, Bruckner, déjà presque quadragénaire, se remit en cause et prit des leçons du modeste Otto Kitzler (1834-1915), de dix ans son cadet, mais qui lui fit découvrir les musiques de Liszt et de Wagner. Il résulta de ces leçons un cahier de plus de 1000 pages d’exercices varies : études, valses, rondos, marches, polkas, fantaisies, menuets, quadrilles, mazurkas dont Christoph Eggner a extrait vingt-quatre pièces, généralement très courtes et, pour la plupart d’un intérêt musical intrinsèque mineur. Mais si l’on veut bien prêter l’oreille à ces bluettes studieuses dans la perspective des grandes œuvres symphoniques qui suivirent, on conviendra que s’y dissimulent ici ou là les germes d’une pensée musicale dont le devenir nous est aujourd’hui bien connu. Le Duo en La majeur et l’Andante en Ré mineur révèlent déjà le tempérament élégiaque du compositeur. Quant au Thème et variations en Sol majeur, il présente avant l’heure ce qui fera l’intérêt de l’Andante central du mouvement Adagio de la première symphonie, mise en chantier dès 1865. Christoph Eggner a enregistré ces piécettes dans la bibliothèque du Monastère de Saint Florian, près de l’orgue aux 7000 tuyaux de Bruckner et sur le propre Bösendorfer du compositeur ce qui ajoute à l’intérêt d’un disque à découvrir. (Jacques-Philippe Saint-Gerand)  En 1862, Bruckner prend des leçons auprès d’Otto Kitzler, chef du théâtre de Linz, son cadet de dix ans qui lui fait découvrir Wagner. Kitzler l’encourage à titre d’exercice à écrire de petites pièces pour piano qui, réunies, forment ce « Kitzler-Studienbusch ». Christoph Eggner leur redonne vie sur le Bösendorfer du compositeur, capté dans la grande galerie de Saint Florian. Inutile de chercher dans ces courtes pièces (la plupart ne dépassent pas trois minutes) le futur auteur des grandes symphonies. Mais le charme souvent schubertien de ces petits morceaux, certains inédits au disque, s’avère touchant néanmoins. Si vous connaissez par cœur les neuf symphonies, vous serez néanmoins séduits par ces oeuvrettes, qui reflètent aussi l’étonnante humilité d’un musicien près de la quarantaine qui accepta de se plier aux règles et aux exercices imposés par son modeste cadet. A ce titre ce CD révèle aussi beaucoup de la personnalité du plus grand symphoniste du XIX° siècle. (Richard Wander)  Anton Bruckner, who had been cathedral organist in Linz since Christmas 1855, had already been a student of the Viennese music theorist Simon Sechter since he took up this post. Despite these intense and extensive studies, he then took private lessons with the Linz theater conductor Otto Kitzler. Kitzler encouraged him from the beginning to write complete pieces and no longer to carry out mere exercises. This resulted in the “Kitzler-Studienbuch” in 1862, which, in addition to piano pieces, also contains quartet sketches and songs for voice and piano. On this recording on a restored Bösendorfer fortepiano owned by Bruckner, Christoph Eggner presents countless Waltzes, Minuets, Polkas, Marches, but also Etudes, individual movements such as an Andante or a Rondo as well as four Fantasies. These small pieces correspond to the taste of his time, and the fact that Bruckner was already thinking in terms of orchestral sound is shown by the instrumentation notes and executions that follow these piano pieces – thus already in these beautiful pieces is the seed for all the admirable creations of the awakening symphonic composer Anton Bruckner.

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