Claveciniste et chef d'orchestre britannique, N. McGegan mène depuis 50 ans au moins une très brillante carrière, dans son pays d'origine et aux États-Unis où il réside en partie. Enseignant dans des établissements prestigieux, il s'est vu décerner force prix et distinctions, et se signale par l'abondance de sa discographie consacrée au répertoire baroque (notamment à Haendel). Moins connu en France, c'est un personnage à part, qui participe à sa façon de la grande nébuleuse des acteurs de la « révolution baroque » qui prit son essor à partir des années 60. On sent, dans la notice rédigée par lui-même pour cet enregistrement qu'expérience et pragmatisme l'emportent chez lui sur l'érudition musicologique, et que tout dogmatisme lui est étranger. De là sa façon concrète d'expliciter les problèmes que pose l'interprétation de la Passion selon Saint Jean. Car celle-ci, créée en 1724, fut pratiquement modifiée à chacune de ses reprises, ce jusque dans la dernière année de la vie du Cantor, sans jamais connaître de version définitive : une nouvelle copie complète — notamment des récitatifs de l'Évangéliste— fut abandonnée après le numéro 11. La Saint-Matthieu ne connut, quant à elle, qu’un seul remaniement. Nous n'entrerons pas ici dans le détail des changements apportés à la Passion selon Saint-Jean, processus complexe ayant d'ailleurs connu des revirements et affecté pratiquement tous les "paramètres" de l'œuvre (forme et du contenu du texte et de la musique - notamment des aria-, effectifs instrumentaux ou vocaux...) même si sa stratification rhétorique d'ensemble (récit assumé par l'Évangéliste-narrateur, interventions directes des protagonistes de ce récit —Jésus, Pilate, foule..., arias des quatre solistes développant les affects liés aux événements et chorals qui sont au cœur de la foi luthérienne) restait inchangée. McGegan : « Comme il n'existe pas de version définitive, l'interprète doit faire des choix. Nous avons opté pour la version originale et laissé de côté les révisions ultérieures. Nous n'avons repris aucune des interpolations de la version 1725 [...] ». Pourtant, à y regarder de plus près, cette version est une sorte de compromis : elle modifie l'instrumentarium en remplaçant « violes d'amour et luth par des violons avec sourdine et un clavecin ». Mc Gegan limite aussi l'effectif du chœur à quatre chanteurs par pupitre, ce qui peut sembler indigent par rapport à d'autres versions (Bach se plaignait lui-même d'être à court de choristes) même si la puissance de ce chœur dans l'invocation intitiale « Herr unser Herrscher » est proprement surprenante. La lecture est dans l'ensemble claire, mais plutôt lente, sage, un peu plate, trop pâle : le « Es ist vollbracht » , sommet de l'œuvre, manque d'intensité (voix presque blanche du contreténor, accompagnement de viole trop extérieur, dirait-on). C'est tantôt trop tamisé, tantôt (cf.choral final) trop épais (instruments) et inégal (chœur). En tout cas à l'opposé de la version théâtrale, opératique, pathétique et puissamment baroque de René Jacobs (dans la version de 1749). Instruments trop pesants dans l'accompagnement du «Ruht wohl ». L'évangéliste de McGegan tranche, mais pas dans le bon sens : outre quelques problèmes de justesse, il suraccentue l'allemand, et est, du coup, trop expressionniste. Faisant un sort à chaque consonne, il tombe dans le défaut et l'excès qu'à l'époque de ses Mythologies, R. Barthes reprochait (dans un tout autre répertoire) à Gérard Souzay, qui, il est vrai, n'avait même pas l'excuse de chanter dans une autre langue que la sienne. La plus récente version de Bruggen (pas la première, gâchée par la voix nasale de Nico van der Meel), celle de Gardiner, ou celle de Jacobs dominent à mon sens la discographie moderne. (Bertrand Abraham) Cantata Collective, an ensemble “of San Francisco early music luminaries” (San Francisco Chronicle) inaugurates a major series of J. S. Bach’s choral works with a live recording of the composer’s St. John Passion. With celebrated conductor Nicholas McGegan, the toast of today’s new generation of vocal soloists and a three-to-a-part chamber choir, the Cantata Collective conveys the emotional intimacy and dramatic power of this monumental passion in a highly polished performance that led Early Music America to implore: “To the excellent musicians of Cantata Collective: More Bach Please!”
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