Haendel n'était guère soucieux de son catalogue. Ses sonates de l'opus 1 furent éditées en 1722 à Amsterdam sans son autorisation et l'on ne sait pas exactement — comme c'est le cas pour nombre de ses oeuvres — quand elles ont été écrites. Il reprit le recueil en 1732 à Londres, l'augmenta quelque peu, y fit certaines corrections. Ces pièces destinées tant au traverso qu'au violon et au hautbois devinrent et sont restées un répertoire de prédilection pour la flûte à bec, sans nécessairement devoir être transposées — à la différence de celles de Bach, dont l'ambitus est plus large. Volubiles, expansives ,extraverties, exubérantes mêmes, elles sont fondamentalement mélodiques et renvoient —surtout dans leurs mouvements rapides— au concerto et à l'opéra italien, qu'Haendel pratiqua sa vie durant. Elles sont porteuses des affects les plus variés (cf. par exemple le "Furioso" de la Fitzwilliam 3). S'il ne s'agit pas d'œuvres majeures, elles sont pleinement représentatives d'une « théâtralité » haendelienne, proche, pourrait-on dire, de la commedia dell'arte : les mouvements lents n'y sont souvent guère plus qu'un canevas sur lequel l'instrumentiste doit broder, faire trame : des diminutions et des ornements qui trouvent leur source dans l' art rhétorique vivant dont il est imprégné, naissent comme par instinct les diaprures, les élans , les éclats. Des subtiles nuances par lesquelles il fait différer les reprises dans les mouvements rapides, jaillit l'impalpable de la musique. Le danger est aussi là : certaines interprétations de ces sonates deviennent kitsch parce qu'elles "dégoulinent" d'ornements. Ici nous assistons, en revanche, à une prodigieuse fête sonore : la réalisation de la basse continue est elle-même d'une incroyable richesse de coloris, sans que rien n'y déborde, n'y redonde, : quelle perfection, quelle plénitude dans l'osmose et l'équilibre entre clavecin, archiluth, basse de viole ou guitare. Autre miracle : ce qui fait merveille dans Haendel, fait aussi merveille dans l'univers Bach, pourtant tout autre : les moyens qui créent chez le premier une sensation de séduction primesautière dans l'instant créent ici, chez le second, une atmosphère de réjouissance dans la durée. Ailleurs, la fluidité , y compris dans la rapidité, suggère un discours plus intérieur , plus secret, à même, dans la façon dont il s'articule, dans les plis et les flexions dont il est constitué, de susciter chez l'auditeur des résonances que sa mémoire aurait en quelque sorte toujours-déjà perçues dans cette musique, même au travers d'autres interprétations. S'opère alors une sorte de perception idéale de l'œuvre. La sonate BWV 1025 est à cet égard une absolue réussite. Et ce qui était chez Haendel pure volubilité, s'entend plutôt dans un ramage animé tel que celui de l'allegro final de la BWV 1031 comme une énonciation faite d'une vigueur qui se déplie, tel un récit, au fil d'une articulation transparente. (Bertrand Abraham) Flûtiste émérite s’il en est, Chrisitan Mendoze se trouve à la tête de Musica Antiqua depuis de très nombreuses années. Après avoir enregistré nombre de disques pour flûte à bec dont une intégrale des Sonates de Corelli , il nous donne à écouter ici des Sonates de Haendel et celles de Bach, d’habitude interprétées à la flûte traversière. Sa maîtrise de la flûte à bec , dont il est un des tous premiers représentants , offre une vision très singulière et attachante de ces oeuvres. Il est accompagné de ses fidèles musiciens, Corinne Betirac, Philippe Foulon et Charles-Edouard Fantin.
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