Le monument contrapuntique de la musique occidentale, dans une proposition en kit, et gigogne ! Bach écrivit entre 1740 et 1742 sa première version (quinze parties : douze fugues et deux canons) de ce qui devint "Die Kunst der Fuge". Les années suivantes, en vue d’une édition, il remodela certaines pièces, ajouta deux fugues et deux canons, réorganisa le plan d’ensemble. En octobre 2000, Ullrich Böhme avait enregistré à Ottobeuren la mouture autographe, avec son épouse pour les fugues-miroir jouées sur les deux orgues de la basilique. Le CD 1 reproduit cet enregistrement initialement paru sous étiquette Motette. Capté en 2020 à Leipzig, le second disque accueille les remaniements et ajouts pour l’impression à titre posthume en 1751, incluant le choral "Wenn wir in höchsten Nöten". Le double-album permet donc d’entendre toutes les alternatives, desquelles se dégage l’intégralité de l’œuvre définitive, à recomposer en se référant à une table de correspondance en pages 6-7. Les timbres séducteurs d’Ottobeuren, son acoustique enveloppante, allient à un suprême degré opulence et clarté sonores : plénitude des fonds, saveur du cromorne (Fuga 4), droiture des anches d’esthétique française (Fuga 7), jusqu’à la faramineuse densité de la Fuga 11, intensifiée jusqu’au vertige. Toutefois, à considérer par exemple la coordination un peu malhabile du "Canon in Hypodiatessaron", la discographie a certes connu interprétations plus lisibles (la lumière polyphonique d’André Isoir à Saint-Cyprien-en-Périgord), plus implacablement rhétoriques (Kei Koito à Sainte-Croix de Bordeaux). Certes dans le vaisseau bavarois, la sensualité compensait les éventuelles carences de rectitude. La partition rencontre perspective plus nette et articulation mieux focalisée en l’emblématique Thomaskirche. Colosse de la facture contemporaine d’inspiration baroque, et néanmoins maniable (l’élan des Contrapuncti a 3), le Bach-Orgel enchérit par son ampleur majestueuse, culminant sur la Fuga a 3 soggetti qu’Ullrich Böhme concède dans son état inachevé, ouvert à conjecture. Superbement valorisés par les micros, les trois instruments glorifient ce cadastrage du BWV 1080, que tout admirateur voudra découvrir dans cette parure modulaire, l’intelligence du projet s’y incarne dans une charismatique exécution. (Christophe Steyne) Bach likely completed the first version of his Art of Fugue around 1742. In the following years he reworked several of the pieces for the first printing and composed four additional movements. This recording by Ullrich Böhme brings together the individual compositions from the autograph and first printing: The first CD contains all 15 movements of Bach's autograph fair copy, while the second CD documents the newly composed pieces as well as the components of the autograph that Bach considerably reworked. The recordings were made in the Basilica Ottobeuren and St Thomas, Leipzig.
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