 Un Révolutionnaire Rameau, qui aura déchiré l’harmonie et foudroyé son clavier de traits novateurs ? Ce n’est pas ainsi que Steven Devine l’entend, avec les splendeurs du majestueux Ruckers de 1636 qu’il joue dans cette intégrale plus complète que d’autres puisque s’y ajoutent les transcriptions des "Indes Galantes" où le rejoint pour trois pièces Robin Bigwood. Non, ici l’ordre prévaut sur la fantaisie, le discours rayonne, classique malgré l’invention, les danses sont d’abord des formes, les vignettes de caractères tendent vers leurs stylisations, ce Rameau là regarderait plutôt vers Bach que vers Couperin. Une première écoute désarçonne, surtout si elle se fait en herborisant, mais si vous entendez les suites dans leur ordre chronologique (et surtout chaque suite dans sa continuité), alors le grand dessin se compose, magnifique jardin à la française. Cette sérénité du propos, ces perspectives, ce clavecin qui dessine tout ample contre sa nature physique même, qui parvient à faire entendre si nettement les coulées harmoniques, à teinter en plein les longues phrases mélodiques quitte à économiser les ornements, est différent de celui qu’on y joue d’habitude. Steven Devine replace d’un coup ce corpus radical dans l’axe des grands clavecinistes sinon Couperin, et l’on se prend soudain d’une envie de retour vers les grands maitres de l’instrument du règne précédent. Cette majesté des phrasés, ce sens des contrastes qui invite un constant parfum de tragédie lyrique lullyste, tout cela est aussi singulier que bien vu, et ne s’était plus retrouvé ici depuis l’intégrale disparue de Scott Ross sur le clavecin du Château d’Assas. Ecoutez donc cette splendide différence (Discophilia - Artalinna.com). (Jean-Charles Hoffelé)

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