L’op. 4 de Zemlinsky est un crépuscule, comme la coda des musiques de chambre vespérale de Brahms. Son faux ton de sérénade cache derrière ses étreignantes mélodies aux inflexions lyriques des lacis harmoniques étranges qui annoncent la nouvelle Vienne. Les Auner rendent sensibles, par leur jeu subtil, leurs sonorités fusantes, cet entre deux mondes qui est le sujet même de ce qui semble être seulement leur second album. Après le solaire Allegro con fuoco qui clôt l’opus de Zemlinsky, les déclamations obsessives à l’unisson des quatre instruments qui ouvrent le 5e Quatuor d’Egon Wellesz nous projettent à la fois dans un autre siècle et dans un autre monde. L’ombre de Beethoven a beau régner, souvenir têtu, Wellesz écrit desséché pour une Europe plongée dans les horreurs de la Seconde Guerre mondiale, sous le blitz qui ravage Londres (l’œuvre est composée en 1943), les Auner tissant cet entre chien et loup crépusculaire, y mettant un gout de cendre. Les teintes chaleureuses, la mélodie quasi opératique du Langsamer de Webern, les délicieuses syncopes de salon de la miniature de Kreisler font le voyage en sens inverse, archets légers, clair de lune puis champagne, jolie manière de conclure un album composé avec art. (Discophilia - Artalinna.com) (Jean-Charles Hoffelé) Superbement illustré par le tableau d’Egon Schiele qui donne son nom au disque, ce CD du très viennois quatuor Auner propose un panorama de la musique autrichienne des compositeurs nés à la fin du XIX° siècle. Le quatuor opus 4 de Zemlinsky (1897) paie sa dette à Brahms et Dvorak avec un charme incontestable et les prémisses d’un style qui s’épanouira grâce à l’influence de Mahler. A peine plus tardif, le mouvement lent de Webern (1905) s’inscrit dans lui aussi sous la double influence de Brahms et Mahler, loin des aphorismes que seront les pièces ultérieures du compositeur. La brève « Syncopation » de Kreisler (1920) montre l’hybridation du style viennois charmeur caractéristique des petites pièces du violoniste par des rythmes découverts aux Etats-Unis. Enfin la rareté absolue provient du cinquième quatuor de Wellesz (1943), disciple de Schönberg émigré en Grande-Bretagne. Eloquemment sous-titré « in memoriam », c’est un adieu nostalgique au monde perdu de la Vienne impériale, comme un écho aux pages de Stefan Zweig. Malgré quelques acidités, la prestation du quatuor Auner s’impose par son style viennois à la fois inné et cultivé auprès des Artis. Et si les Auner s’attaquaient aux autres quatuors, si délaissés, de Wellesz ? (Richard Wander) “May you yet see dawn after this long night!” These words by Stefan Zweig, written in exile in his Farewell letter are the motto for this recording of the Auner Quartet, presenting string quartets by Alexander Zemlinsky (Opus 4 from 1896), Egon Wellesz (his 5th string quartet from the year 1943, by the subtitle “In memoriam” which refers to the lost years) and by Anton Webern (“Langsamer Satz” from 1905), which are all references to Vienna at the turn of the century. Almost as an encore, Auner Quartet follows up with “Syncopation” by Fritz Kreisler from the 1920s, which spans an arc to the United States, where Kreisler enjoyed enormous popularity and where the stylistic elements originated that had conquered the dance halls of Central Europe before they were banned in Germany and Austria during the darkest years of the 20th century – along with the music of Zemlinsky, Wellesz, Webern, Kreisler and so many others.
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