Verdi Requiem Kaminskaite Reinhold Khamasmie Friedrich Timm - Rop6196 - Rondeau - Classical

Si cet enregistrement en live et sur instruments d'époque du Requiem de Verdi est incontestablement habité par des interprètes dont l'enthousiasme et l'engagement sont constamment perceptibles, c'est malheureusement bien souvent au détriment de la justesse, de l'équilibre, du rendu des couleurs que s'opère cet investissement trop brouillon, mal géré, et dirigé sans suffisamment de pénétration et d'autorité. Dès le début par exemple, les choristes féminines manquent de clarté et de force, alors qu'inversement les voix masculines ont tendance à claironner, à trop appuyer comme le fait aussi exagérément le ténor dans l'attaque si difficile à doser du contraste progressif qu'amène le Kyrie. Le Dies Irae est plutôt réussi, appuyé dans le grave par l'ophicléide qui est l'un des éléments majeurs de l'instrumentarium historiquement informé. Le ténor peine dans les notes aiguës de l'Ingemisco. Et la diction des solistes vocaux laisse dans l'ensemble grandement à désirer. On ne sait trop où l'on va dans l'Hostias, tant les voix flottent et semblent approximatives. On ne sent là aucune pulsation, aucune respiration, rien ne semble construit, articulé, c'est un vrai cafouillage, une sorte de déballage dans lequel la soprano et la mezzo (à éclipses l'une comme l'autre) ont du mal à émerger. Qu'on compare ce passage avec celui de la version de Harnoncourt, par exemple. Le Sanctus qui suit est plus satisfaisant, de même que l'Agnus Dei, à vrai dire plus faciles, chœurs et solistes tirent alors leur épingle du jeu, même si la voix du ténor paraît ça et là insuffisamment sûre. Le Lux æterna est passablement gâché par les fluctuations d'une basse franchement ingrate, comme c'est fréquemment le cas ailleurs. La fugue du Libera me est, quant à elle, bien plus convaincante, car beaucoup plus solide et affirmée que tout qui est donné à entendre dans cette version irrégulière, sans grande cohérence, qui tire à hue et à dia. L'entreprise est sympathique, courageuse, mais outre que la concurrence est redoutable dans une œuvre aussi sollicitée au disque, nos interprètes universitaires à qui leur taux de renouvellement dans le chœur ne permet pas d'asseoir suffisamment et durablement savoir et expérience comme on pourrait l'espérer à Leipzig, ville à la tradition musicale glorieuse, n'ont pas les capacités professionnelles qu'un pareil monument exige. Qu'il considère ce Requiem plutôt comme un opéra en surplis que comme une fresque sacrée, le mélomane reste frustré à l'écoute de ce cahotique CD. (Bertrand Abraham)