Szymanowski Scriabine Préludes pour piano Ventura - LDV14129 - Urania Records

Première surprise avec cet album : Franz Liszt n’est pas mis en avant mais est bien au coeur du programme. Le livret (en italien et anglais) le met d’ailleurs en tête de sa présentation, et l’on peut penser que la prestation de la pianiste italienne s’intéresse à deux composteurs que l’on peut inscrire dans l’héritage de ce romantique qui dépassa le romantisme, s’en arracha presque, pour nous ouvrir d’autres mondes musicaux. En 1900, les préludes opus 1 de Karol Szymanowski sont l’œuvre d’un jeune homme de 18 ans. Alors que sa formation était loin d’être achevée, ces 9 courts préludes ont, en dépit de leur brièveté, une ampleur et une profondeur inattendues. Un flot musical méditatif et d’une grande clarté développe un modernisme qui ne tient ni de l’impressionnisme ni du machinisme à venir. Né 10 ans plus tôt, en 1872, Scriabine avait lui déjà 23 ans lorsqu’il composa les 6 préludes de son opus 13, en 1895.Si l’on retrouve un climat proche avec l’œuvre de son cadet, le romantisme finissant s’y fait plus ressentir et dans ces pièces résonnent encore des échos de Chopin ou de Schumann, mais aussi de Liszt. De Liszt, les Kleine Klavierstücke des années 1865 (année où il devient abbé) à 1879, montre l’art de l’ellipse, loin de toute virtuosité ostentatoire. Des musiques qu’il laisse en suspens, sans asséner à ses auditeurs de final éclatant et définitif. Un climat de concentration attentive, sans inutile tumulte qui était déjà là dans les années de pèlerinage suisses 15 ou 20 ans plus tôt, au cœur de la Vallée d’Obermann. Les silences y ont autant de place que les notes, et les chatoiements d’arpèges du final ont renoncé toute brillance factice. C’est avec une figure encore plus inattendue que se conclut ce récital savamment construit avec Mozart et son Requiem, au travers des transcription qu’en fit Liszt (Confutatis maledictis et Lacrymosa). Ces transcriptions de 1865 sont étonnantes en ce qu’on ne parvient pas à y entendre l’œuvre originale, malgré la fidélité au texte mozartien. L’appropriation est totale et l’hommage d’autant plus grand. Sans doute le léger rubato qu’introduit parfois Guilia Ventura aide-t-il aussi à cela. Le programme proposé fait résonner une part commune à toutes ces œuvres avec une réelle cohérence, de choix comme d’interprétation. Un vrai programme, à écouter comme un récital ou chaque œuvre est à sa place. (Marc Ossorguine)