Silvansky Gozenpud Yakhina Préludes pour piano ukrainiens Nemtsov - HC24044

Sans doute la situation actuelle attire-t-elle un regain d’attention sur tout ce qui touche aux grandes étendues bordant le Dniepr. En musique, c’est l’occasion de permettre à certaines voix de se faire entendre. L’intérêt du présent enregistrement est d’introduire à une série de Préludes rédigés par des compositeurs ukrainiens, eux-mêmes pianistes. Nikolai Silvansky (1916-1985), après avoir été formé à Leningrad et Moscou devint professeur de piano au Conservatoire de Kiev en 1968. Les deux volumes de ses 24 Preludes datent de 1966 et 1974 et soutiennent aisément la comparaison par leur intense concision expressive, avec ceux, contemporains, de Shostakovitch ou Kabalevsky. Matvey Gozenpud (1903-1961), brillant pianiste lui aussi, traqué tout au long de son existence, de Kiev (1935) au Kazakhstan (1950) puis à Novosibirsk (1959), pour être Juif, s’inscrit dans la lignée de Scriabine. Ses 12 Preludes (1947) sont la première arche de ce qui aurait dû constituer un diptyque, mais, pour les raisons susdites, le second volume fut interdit de publication et depuis lors perdu. Evgeniya Yakhnina (1918-2000) étudia pour sa part la composition à Moscou auprès de Vissarion Shebalin (1902-1963) mais, victime de persécutions antisémites, fut exclue de toute vie musicale officielle. Ce qui ne l’empêcha pas de continuer à composer dans l’ombre. Ses 6 Preludes de 1959 démontrent avec éclat un style particulièrement moderne de traitement de l’harmonie et des structures atonales. Il revient à Jascha Nemtsov, interprète engagé et remarquable pianiste, d’avoir effectué toutes les recherches nécessaires à la présentation de ces pages qui, au-delà du seul aspect de leur valeur musicale intrinsèque, rappellent que les conditions de création artistique ne sont pas égales en tout temps de par le vaste monde… On en appréciera d’autant plus ces exhumations frappées du terrible sceau des vindictes politiques et idéologiques condamnant musiques et musiciens à l’oubli. (Jacques-Philippe Saint-Gerand)