 Assister à un de ses concerts est en soi une performance : ce jour-là, à la Philharmonie de Luxembourg, Reinhold Friedl, seul avec, sur et dans son piano, avait offert une prestation brute, sauvage et âpre. Pièces de métal râpant les cordes de l’instrument, violence du toucher, attaques sonores en règle, il ne faut pas attendre de ce maître de l’inside-piano (il a œuvré notamment avec Phil Niblock ou Merzbow) des quatuors à cordes plus sonnants que trébuchants. Performance physique pour l’interprète, plaisir physique pour l’auditeur, Friedl a construit ses pièces sur base d’une transformation progressive des textures, soumises à des variations aléatoires et structurées de façon informatique. On craint le calcul et l’artifice, mais la dimension physique est telle, pour qui se donne la peine de hausser le volume et de laisser sourdre vibrations, oscillations et frissonnements vers sa propre masse musculaire et l’une ou l’autre terminaison nerveuse, que, presque comme lors d’une prestation live, on se prend au jeu - celui du Quatuor Diotima exploitant ses moindres ressources -, on vit littéralement la circularité du mouvement des archets (Quatuor à cordes n° 1), le decrescendo sans aboutissement (Quatuor à cordes n° 3) et l’accélération démoniaque de celle que le compositeur appelle « pièce sportive » (Quatuor à cordes n° 2). C’est une expérience. Rare. (Bernard Vincken)  Les quatuors à cordes de Reinhold Friedl ne prétendent pas être des quatuors à cordes, ils sont anti-Goethe. Ici, il ne s’agit pas d’une conversation sophistiquée entre quatre hommes d’âge mûr confortablement assis dans des fauteuils. La musique est une performance physique pour les interprètes et destinée à être un plaisir physique pour les auditeurs. Les trois quatuors sont tous basés sur la même idée de transformation progressive d’une texture à une autre, les détails entre chaque pièce et entre les parties des pièces variant de manière aléatoire. Dans le cadre d’un doctorat à la Goldsmiths University de Londres, Reinhold Friedl a développé un logiciel aidant à modéliser ces transpositions de textures. Le quatuor à cordes n° 1 (2005 dédié à Anton Lukoszevieze, commandé par la BBC à Londres, UK) se concentre sur une chorégraphie aux sons fantomatiques, rendue possible grâce à une étrange chorégraphie : les instruments ne cessent de jouer avec leurs archets de manière circulaire. Ces mouvements simples combinés à une structure rythmique asymétrique, nous font découvrir des paysages sonores complexes mûs par une force hypnotique et qui tentent de se développer jusqu’à un point final. Le quatuor à cordes n° 3 (2016, dédié à Pierre Morlet, violoncelliste du Quatuor Diotima, commandé par G((o))ng Tomorrow Copenhagen) peut être écouté comme faisant référence à certains clichés sonores de quatuors à cordes modernes. Les accords et les mélodies célèbres sont cités mais cachés à l’état pur. Comme une douce musique sacrée, c’est un essai sur comment composer un decrescendo sans aboutissement. Glisser lentement et précisément mais en ne s’arrêtant nulle part... Le quatuor à cordes n° 2 (2009 pour le Quatuor Diotima, commande d’État pour le Festival «Les Musiques» à Marseille) est écrit pour le Quatuor Diotima comme une pièce sportive. Après un début plutôt charmant, il devient de plus en plus physique pour les interprètes qui jouent tremoli presque sans interruption, jusqu’à ce que la musique atteigne le groove rythmique final : une sorte de «disparaissez/sortez de là»!  Reinhold Friedl’s string quartets do not pretend to be string quartets: they are anti-Goethe. There is no sophisticated conversation of four elder gentlemen, sit- ting in arm chairs. The music is physical work for the performers and intended to be physical pleasure for the listeners. All three quartets are based on the same idea: smooth transformations from a given texture into another one. The random-driven details vary between the pieces and the parts of the pieces. Meanwhile Reinhold Friedl developed a software in the frame of a PHD project at Goldsmiths University London to help him modeling these texture transpositions. String Quartet n° 1 (2005 dedicated to Anton Lukoszevieze, commissioned by BBC London) is focused on a ghostly sound choreography, made possible by a strange choreography: instruments are only bowed in circles. These simple movements combined in an asymmetric rhythmical structure causes complex soundscapes, that tend to develop to a certain final state, and they do, driven by a hypnotic force. String quartet n° 3 (2016, dedicated to Pierre Morlet, commissioned by G((o))ng Tomorrow Copenhagen) can be listened to as a reference to some modern string quartet sound. Famous chords and melodies are quoted and hidden in their pure quantity. Sweet sugar music. An essay how to compose a decrescendo without a culmination point. Slowly and precisely slip away, ending nowhere. String quartet n° 2 (2009 for Quatuor Diotima, commissioned by the French State for the Festival «Les Musiques» in Marseille, France) is written for Quatuor Diotima as a sportive piece. After a charming beginning, it becomes more and more a physical challenge for the performers, playing tremolo almost without break, to get the music to the final grooving rhythmical end: get out of my face !

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