Pärt Tintinnabuli Tallis Scholars Phillips - CDGIM049 - Contemporain - par Gimell

Arvo Pärt est un de ces musiciens que les interprètes affectionnent particulièrement sans doute parce que ses œuvres ne sont pas d'un abord ardu et qu'elles recèlent un potentiel spirituel précieux pour les exécutants. On ne parle pas ici des œuvres des années 60 où il associe avec pertinence grégorien et sérialisme (1ère et 2ème symphonies, Pro e Contra, Credo), mais de sa période dite « tintinnabulante » (qui débute avec Für Alina 1976) dont il est question dans ce CD. Quelques pièces chorales essentielles résument ce style singulier et si reconnaissable, qui influença par la suite nombre de musiciens. Une harmonie simplissime, une base mélodique diatonique assez linéaire et peu modulée. La musique évolue lentement, paisiblement, entrecoupée par de profonds silences. Ce langage dépouillé résulte d'un nouveau style de vie désengagé, austère, monastique, d'un minimalisme que le compositeur revendique : « Ce qui est complexe ne fait que me dérouter, je cherche avant tout l'unité. Avec le « tintinnabuli » je reste seul avec le silence ». Les Sieben Magnificat Antiphonen (1988) font place aux blocs d'accords parfaits répétés à l'envi, aux effets d'écho rhétorique, et l'évocation de carillon aux harmoniques flottantes. Le dyptique The Woman with the alabaster box et Tribute to Caesar (1997) basés sur deux récits bibliques est d'une grande solennité. Va et vient entre les basses lourdes et creusées et des aigus tournoyants à la façon de satellites autour d'un noyau central. I'm the true Vine (1996) utilise un double bourdon qui agit magnétiquement là aussi à l'intérieur de trois odes en plain chant. Figuralisme alla Bach dans la pièce récente Whish was the son of... Au bout de longues et subtiles textures vocales tricotées à l'intérieur du plain chant qui rappellent lointainement le gospel, Pärt fait résonner en apogée les cloches, lorsque le texte évoque à tâtons le Nom du Divin. Les Tallis Scholars, ont voulu enregistrer ce disque en l'honneur des 80 ans du compositeur estonien. Ils lui rendent un hommage d'autant plus émouvant que leur interprétation vécue (Eloquence et clarté des voix !), ciselée et ornée comme une icône, rayonne d'une aura spirituelle intense et juste. (Jérôme Angouillant)