 Avec ce troisième volume, Stratton Bull et sa Cappella Pratensis poursuivent la redécouverte des trésors des « livres de choeurs » des manuscrits de la ville d'Hertogenbosch, la « petite Rome du nord ». Le héros de cet opus est Nicolas Champion (1475-1533), dont il nous reste peu de chose, mais qui appartient à la dernière génération de ces compositeurs franco-flamands qui se sont épanouis à la cour de Bourgogne avant de triompher dans toute l'Europe. Cette « Messe pour Sainte Marie-Madeleine » (ainsi dénommée parce que figure dans son Sanctus un verset de l'Evangile de Marc faisant allusion à cette sainte) a probablement été écrite entre 1507 et 1515. Elle était sans doute dédiée à Marguerite d'Autriche, membre de la dynastie des Habsbourg-Bourgogne, et régente des Pays-Bas. Sa dévotion à cette sainte était en effet connue. Dans cet album sont entrelacés les savantes polyphonies de l'ordinaire de la messe avec des morceaux en plain-chant, selon une pratique courante aux alentours de 1500. Stratton Bull et sa phalange démontrent que la polyphonie à cinq voix n'interdit pas l'improvisation. Le résultat est convaincant et enthousiasmant. Les cinq voix de ce choeur d'hommes, d'une beauté à couper le souffle, se conjuguent en une parfaite unité, malgré les difficultés pratiques d'un enregistrement sous confinement. Stratton Bull et les siens restent au niveau de perfection qu'ils avaient atteint avec notamment la messe « Tua est potentia » de Jean Mouton, extraite des mêmes manuscrits. On attend avec impatience les deux derniers opus de cette série. (Marc Galand)  Les reconstitutions de messe avec plain chant alterné ne sont pas une nouveauté dans le monde de la musique ancienne et souvent, des interprétations « historiquement informées » associent aux chantres un amalgame foutraque d’instruments sorti de l’imagination de quelques chercheurs en mal d’organologie. Dans l’enregistrement de la « Missa de Sancta Maria Magdalena » à cinq voix du franco-flamand Nicolas Champion (1475-1533) par l’ensemble hollandais Cappella Pratensis, il en est autrement. Au tournant de 1500, à la haute Renaissance flamande, à la cour des Bourgogne-Habsbourg dans ces « Pays de Par-deçà » futurs Pays-Bas, Nicolas Champion dit le Liégeois tient une place centrale entre Josquin Desprez et Pierre de la Rue comme membre éminent de la chapelle de Philippe le Beau, Charles Quint et surtout Marguerite d’Autriche. Il nous est parvenu peu de répertoire de Champion si ce n’est cette messe à teneur, dédiée dans le Sanctus à sainte Madeleine par la citation d’un verset selon Marc de la résurrection du Christ, rare exemple de messe dédiée qui ne soit pas à la figure mariale. Ici la Capella Pratensis, composée uniquement de voix d’hommes, nous propose une version toute en épure où l’on saluera la perfection de la mise en place, de la justesse et le naturel d’une diction reconstituée à la française qui est d’une discrétion telle qu’on ne la remarque qu’après coup ! Le grégorien subtilement intégré, dévoile une majesté austère tout aussi envoutante qui, soulignée par une prise de son proche et analytique, laisse cependant un vaste espace au rayonnement des voix. Ce disque, modèle de polyphonie renaissante où La Capella Pratensis renouvelle le genre d’une lumineuse noirceur, est assurément le meilleur ambassadeur de Champion. (Florestan de Marucaverde)

|