 Etrange. Les deux livres de Nicolas Lebègue n’auront guère reçu les faveurs des clavecinistes, Bibiane Lapointe se risquant en 1997 à une fugitive anthologie, puis plus rien. Les claviéristes auront décidément préféré son œuvre d’orgue, premier fruit de son art et de sa charge : sa vie durant Lebègue fut l’organiste de Saint-Merri. Agustin Alvarez grave donc en première mondiale l’intégrale de son œuvre de clavecin, je m’étonne de le retrouver devant le si sonore Restelli d’après Taskin sorti des ateliers du facteur en 2005, je le savais surtout pianiste, élève d’Esteban Sanchez, j’avais oublié qu’il avait appris à toucher du clavecin auprès de Christophe Rousset. Son Premier Livre ne manque pas d’aplomb, très Grand Siècle, marquant les rythmes des danses, préludant avec une éloquence dont Bach se souviendra, mais il va plus loin encore dans les Suites plus libres (adieux aux Préludes) du Second Livre, incarnant le ballet de cour que semble animer ces Sarabandes et ces Passacaille si nobles de traits, si majestueuses de gestes : chez Lebègue, même les Gigues sont aristocratiques. Le coffret sera indispensable aux amoureux du premier clavecin français. Ecoutant la Passacaille de la Suite en sol du Second Livre sa déclamation lullyste, je me dis que cette musique aurait trouvé une interprète idéale en Blandine Verlet ; que le clavecin hardi d’Agustin Alvarez m’y fasse songer est le plus beau compliment que je puisse adresser à son admirable travail. (Discophilia - Artalinna.com) (Jean-Charles Hoffelé) Installé à Paris en 1655, organiste à Saint Merri (1664), à la Chapelle Royale (1668), Lebègue fut un pédagogue fameux, un compositeur innovant. Son œuvre a parcouru toute l'Europe. Les deux livres de clavecin condensent l'essence d'un genre qu'il nomma, organisa, normalisa : la suite (de danses), qu'il porte à des sommets, et qui, se renouvelant sous sa plume, trouvera son apogée avec Bach. Une partie du 1er livre (1677) est antérieure à cette date (elle a d'abord circulé sous forme manuscrite). À chacune de ses suites correspond une tonalité. Le nombre des mouvements est, dans les premières, foisonnant, (14, 13). Une particularité : le prélude non mesuré, ouvrant chaque pièce : exercice d'échauffement ou d'accoutumance pour l'interprète — selon l'auteur. On admirera la perfection, l'équilibre, le caractère péremptoire de la suite en La, qui annonce le second livre (1687), où un travail de décantation, de resserrement, de densification a lieu : le prélude disparaît, le nombre de danses se réduit, leur ordonnancement tend à former une série fixe, canonique : cette codification permet d'approfondir la créativité parce qu'elle la canalise. Cette musique noble et délicate, d'un ambitus très large (elle exploite beaucoup le grave de l'instrument) est un modèle de goût, de subtilité. A. Alvarez se montre très attentif au caractère de danse des pièces, à la rhétorique qui en découle, au substrat populaire plus nettement marqué de certaines : la gigue d'Angleterre (suite en sol 1er livre) est irrésistible. (Bertrand Abraham) Nicolas Lebègue (1631-1702) is largely represented in the record catalogue by albums of organ music. Yet his pieces for harpsichord are no less distinctive and appealing in their way, and this new recording presents a rare chance to survey that side of his output in toto. Known in his day among the most renowned organists of Paris, Lebègue left to us three books of organ music, and this pair of volumes for harpsichord. Their style may owe something to the examples of Chambonnières and Louis Couperin, but there are notable differences. Lebègue tends to underplay the pictorial or illustrative potential of his genre, and emphasise instead its natural language of formal elegance. Such formality is reflected in the organization of his suites, which open with an allemande–courante coupling, preceded only in his first book by unmeasured preludes. After the courante there follows a mixture of dances, always poised and gracefully turned. Particular high-points include the Chaconne in C (first book) and the Chaconne grave in G (second book), which attain a stature worthy of Louis Couperin. In a personal, engaging but also scholarly booklet essay, Agustín Álvarez outlines his approach: ‘not only as a musician, but from the point of view of a dancer, trying to understand the steps, as well as the physical and intellectual attitudes which mould the sublime art of movement of French Baroque dance and which Nicolas Lebègue gradually reveals to us as a ceremonial master of his art.’ Born in Venezuela and trained in in Madrid and Milan, Álvarez also studied Baroque dance and continues to work with an important Spanish dance company. In 2015 he recorded the Concertos for Two Harpsichords by Soler: a Brilliant Classics album (BC95327) that attracted praise from distinguished quarters: ‘These French-styled harpsichords have beautiful tone… Alvarez and Fernandez make the music sound noble and even sometimes sombre’ (American Record Guide, March 2017).
|
Catalog 
