 Monteverdi, ou la révolution permanente. Dans le domaine du madrigal, dès ses premiers essais dans sa ville natale de Crémone, avec les canzonette a tre voci publiées en 1584 (il avait 17 ans), il se dégage des principes de l'école franco-flamande alors dominante en Italie. Très vite, il se lance dans le genre plus complexe du madrigal à 5 voix, dont il publiera 9 livres. Au tournant des années 1600, dédaignant les critiques, il théorise et met en pratique une seconda prattica, mettant plus fidèlement que la « vieille musique » la musique au service du texte, et cherchant à émouvoir les passions, au prix d'entorses aux règles harmoniques édictées par les théoriciens. Pour mettre en musique le Combat de Tancrède et Clorinde, extrait du chef d'œuvre du Tasse, il invente en 1624 le « style agité ». Dans le domaine de l'opéra, il crée à Mantoue, en 1607, avec son Orfeo, le premier chef d'œuvre du genre, reprenant sans s'y limiter la monodie accompagnée de basse continue inventée par les florentins. Quand, avec l'ouverture en 1637 à Venise du premier opéra public celui-ci quitte les salons aristocratiques, il renouvelle le genre et crée l'opéra moderne. Nombre de ses opéras sont perdus, mais il nous reste ces deux exquis chefs d'œuvre que sont « le retour d'Ulysse dans sa patrie » et le « Couronnement de Poppée ». Cavalli, puis Barbara Strozzi suivront sa trace. En matière de musique religieuse, dans son premier recueil (Vêpres à la bienheureuse Vierge Marie, Mantoue, 1610) et surtout dans ses œuvres en tant que maître de chapelle (pendant ses trente dernières années) à Saint-Marc de Venise (Selva morale e spirituale, Venise, 1641), il marie tradition et modernité. Si Monteverdi n'a pas publié de musique instrumentale, on sait par des témoignages qu'il était un virtuose du violon (on n'est pas pour rien natif de Crémone), et de nombreux instrumentalistes se réclameront de lui (Dario Castello, Biagio Marini...). Il n'est pas excessif de dire qu'il a influencé toute la musique européenne, dans cette période passionnante de transition de la renaissance au baroque. Il est donc particulièrement émouvant de pouvoir, pour la première fois, suivre tout son parcours à travers l'enregistrement de tout son œuvre conservé, des premiers essais adolescents aux chefs d'œuvre de la maturité, sans oublier des « fragments » inédits. Quant à la qualité de l'interprétation, avec pour maître d'œuvre Krijn Koestveld et son ensemble Le Nuove Musiche, elle place ce coffret parmi les éditions de référence. (Marc Galand) This substantial set dedicated to the vocal music of Claudio Monteverdi (1567–1643) features the great cycle undertaken (to date) by Krijn Koetsveld and the singers of Le Nuove Musiche: all nine books of madrigals, the music in Monteverdi collections such as the Selva Morale e Spirituale (1641) and the posthumous Messa a quattro voci ed salmi (1650), and the individual works by Monteverdi that were compiled in the collections of others, the so-called Fragments. To this is joined the cycle of operas directed by Sergio Vartolo and sung by casts of Italian early music specialists, including the first recording of the five-act version of Il ritorno d’Ulisse in patria. These thoroughly researched, historically informed interpretations demonstrate Monteverdi’s pioneering and transformative role in the emergence and development of staged, dramatic vocal music. Also featured are the grand Vespers – sacred music in the Gregorian plainchant tradition but on an operatic scale – in a fantastic recording with fine Italian soloists and authentic period instruments including the early brass of La Pifarescha. Federico Bardazzi and Ensemble Felice make scrupulous interpretative decisions about the order of movements, interpolating the choral motets within the prescribed sequence of psalms to great effect. Finally, there are Monteverdi’s youthful three-part canzonettas, written when the composer was 17. They are rather simpler than the madrigals, both to sing and to appreciate, but their musical worth is amply demonstrated by the largely female voices of Armoniosoincanto joined by a mixed period-instrument ensemble of flutes, violas, theorbo and harpsichord. They impart just the right light-hearted mood and dramatic impact to the playful, folkloric secular strophic poetry.
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