L'œuvre de Ludwig Daser (Munich, vers 1526 – Stuttgart, 1589) a été trop longtemps éclipsée par celle de Roland de Lassus, son illustre successeur en 1556 au poste de Maître du Chœur de la cour de Munich, que Daser, depuis 1552, avait hissé à un niveau professionnel. En effet, le duc de Bavière Albert V, catholique, avait préféré se séparer de Daser, qui ne cachait pas ses sympathies protestantes. La séparation s'est cependant faite en douceur : Le duc lui versait une pension, et Daser continua à composer occasionnellement pour Munich, bien qu'il ait retrouvé un emploi à Stuttgart, à la cour du luthérien duc de Württemberg. Daser a donc composé pour les deux rites, mais aussi des œuvres « œcuméniques », compatibles avec l'un et l'autre. Il a été largement influencé par l'école franco-flamande, comme en atteste la place du cantus firmus dans ses ordinaires de la messe. Il a reçu l'influence d'Heinrich Isaac, et l'enseignement de son prédécesseur à Munich, Ludwig Senfl. Le style de Daser, plutôt conservateur à Munich, devient plus moderne à Stuttgart. L'album que nous offrent les Cinquecento présente un échantillon des différentes périodes. Le motet à huit voix Benedictus Dominus, imprégné du style polychoral de Cipriano de Rore, ainsi que les motets à quatre voix Ad te levavi oculos et Christe qui lux es et dies, datent du début de la période munichoise. La Missa Pater noster, à cinq et six voix, difficile à dater, recourt largement au plain-chant et compte quatre chants grégoriens. L'album comprend également un ensemble de lieder spirituels, qui sont plutôt des motets en allemand, composés pour les rituels luthériens de la cour de Stuttgart. Les cinq chanteurs de l'Ensemble Cinquecento, qui nous ont déjà régalés d'une messe d'Heinrich Isaac applaudie dans ces colonnes, poursuit sa découverte d'œuvres méconnues du XVIème siècle. Leur son splendide nous restitue ces polyphonies qui nous semblent d'une éternelle sérénité, surprenante pour un siècle déchiré par guerres, pestes et famines. (Marc Galand)
|