 Compositrice polonaise, l’une des premières pianistes virtuoses professionnelles du XIXème siècle, Maria Szymanowska effectue de nombreuses tournées en Europe avant de s’installer à Saint-Pétersbourg où elle devient pianiste de la cour de Russie pour laquelle elle compose, enseigne et donne des concerts, et où elle tient un influent salon qui voit défiler tout le gratin musical : Baillot, Cherubini, Field, Glinka, Hummel, Rossini… Chopin lui-même est impressionné par cette artiste qui « ne joue pas mais déclame » et est « capable d’imiter le violon de Paganini ou le chant de la Pasta ». Bien qu’elle précède son compatriote d’une quinzaine d’années, le langage de Szymanowska est déjà profondément romantique, et tandis que ses Mazurkas constituent l’une des premières tentatives pour formaliser cette danse au piano, ses Etudes, Préludes, Valses, Nocturnes et Polonaises préfigurent indubitablement le caractère polonais et le style brillant de Chopin. Certes, tout n’est pas d’égale valeur parmi les 90 pièces de ce triple album, mais certaines retiennent vraiment l’attention, donnent envie d’y revenir et résistent à une écoute répétée par leur charme, leur expressivité ou leur inventivité mélodique : ainsi les deux superbes Nocturnes (dont l’un est écrit pour deux et pour trois mains), la nostalgique Danse Polonaise, l’étonnant Cotillon à 18 parties, l’intimiste et passionnée Romance du Prince Galitzine, l’émouvante Sérénade accompagnée d’un violoncelle, l’attachante Fantaisie, la majorité des Vingt Etudes & Préludes et enfin quelques-uns des Menuets, Marches et autres Danses qui composent cet imposant corpus soutiennent plus qu’honorablement la comparaison avec certains morceaux de Field et de Chopin dont ils viendraient salutairement élargir et renouveler les répertoires ultra-fréquentés. L’équipe de musiciens réunie autour du pianiste Slawomir Dobrzanski, spécialiste de l’œuvre de Szymanowska, sert dignement cette femme compositeur et interprète tôt disparue mais qui aura toutefois eu le temps et le talent d’ouvrir la voie aussi bien à Chopin qu’à Clara Schumann. (Alexis Brodsky)

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