Ces œuvres présentent des ressemblances, des correspondances évidentes. Une véritable parenté. Elles renvoient au genre multiséculaire de la sérénade. Celle-ci n'est-elle au juste qu' un simple "genre musical"? Ou un artefact plus complexe supposant mise en scène, cérémonie, rituel? Étymologiquement, le chant nocturne du galant qui s' accompagnant à la mandoline, cherche à séduire sa belle? Mais aristocratique ou populaire, passionnée ou mélancolique, la sérénade peut aussi se passer de la voix humaine? c'est un instrumentarium sobre et presque identique qui est utilisé ici ; une clarinette, deux ou trois des protagonistes du quatuor à cordes (violon-alto-violoncelle chez Krenek et Penderecki, violon et alto chez Gal). L'alliance de ces timbres, l'agilité de la l'instrument à anche dans des suites de notes rapides, proches et répétées, traduisent idéalement les atmosphères claires et feutrées où se retrouve le néoromantisme viennois pratiqué par Brahms dans les œuvres qu'il composa sur le tard pour le clarinettiste virtuose R. Mühlfeld avec lequel il s'était lié d'amitié. Enfin, c'est d'une certaine façon en dépit ou à rebours de ce qu'ils étaient déjà ou allaient devenir que 2 de nos 3 compositeurs produisirent leur sérénade : celle-ci en quelque sorte toujours-déjà plus ou moins décentrée, décalée, en avance ou en retard, par rapport au reste de leur œuvre. Krenek créa la sienne opus 4 — gravée ici en première mondiale — à 21 ans : encore loin, donc, des conversions au jazz, à l'atonalisme, au sérialisme... à la musique électronique et de sa stigmatisation comme artiste dégénéré par les nazi — cause de son exil. Pas si loin pourtant : car c'est déjà à la première édition des "journées de musique de chambre contemporaine" de Donaueschingen devenues ensuite l'un des plus prestigieux festivals du modernisme musical qu'il destinait déjà cette pièce encore plutôt sage et légère. L'œuvre retardait et anticipait à la fois. En revanche, c'est 74 ans après Krenek qu'en 1993, en pleine "regression" vers le néoromantisme viennois, ont dit certains, l'avant-gardiste que fut Penderecki conçut, ispiré par Schubert, son Quatuor-sérénade, toutefois bissé lors de la première. Quant à Gal, très attaché à Brahms, et comme statique, il restait ancré dans l'idiome tonal. Sa sérénade de 1935, élégante, généreuse et lyrique, regardait vers le passé. Non comme Krenek vers l'avenir. Juif, il dut pourtant, fuir lui aussi le nazisme. Ainsi, au travers de trois courtes sérénades, étrangement proches, mais chronologiquement très distantes pour deux d'entre elles, se sont nouées et chevauchées emblématiquement les précipitations et les ralentis de l'histoire musicale, les soubresauts ou les stases dans la vie personnelle des compositeurs. (Bertrand Abraham) The century was only twenty-one years old, and so was Ernst Krenek, when his Serenade op. 4 was premièred on 31 July 1921 at the newly launched “Donaueschingen Chamber Music Performances for the advancement of contemporary music.” The event soon came to be known as Donaueschingen Festival, now one of the oldest specialized music festivals worldwide: Krenek’s music has occasionally been heard there since then – albeit as a series of utterly contrasting works one would hardly ascribe to the same composer. Such variety comes from Krenek’s chameleon-like capacity of metamorphosis, of which he was well aware. He accepted that he came off “badly compared with the great masters of the past, whose work presents itself to us as a well-rounded, logically organized unit.” We can already sense something of Krenek’s bewildering stylistic diversity in his 1919 Serenade. At first sight, it seems to cling stubbornly to the style of Krenek’s teacher, Franz Schreker, and to Viennese Late Romanticism. It contains a whiff of Hugo Wolf’s Italian Serenade…. Hans Gál, under threat as a Jew in Germany and, from 1938, also in his native country of Austria, found refuge in the United Kingdom – although initially only as an intern in a camp, as he would vividly describe in his book “Musik behind Barbed Wire.” Hans Gál’s style remained rooted in the Vienna tradition of the “long” 19th century….. Krzysztof Penderecki, on the other hand, was both a traditionalist and a trailblazer. In 1959, he entered the Polish Composer Society youth competition with three anonymous works that won 1st, 2nd, and 3rd prizes, thus unmistakably proving his rank as one of his country’s outstanding musical talents…..Penderecki composed his Clarinet Quartet, which exists in a further version for string orchestra, entitled Sinfonietta No. 2. Here we are dealing with a tranquil, subdued work that almost ventures into Schubertian confines, featuring a tender nocturnal dialogue between the clarinet and the viola as the first movement’s point of departure.
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