Leos Janácek (1854-1928)
Les Voyages de Monsieur Broucek, JW 1/6 et 1/7, opéra en 2 parties et 4 actes

Jaroslav Brezina, ténor
Ales Bricein, ténor
Frantisek Zahradnicek, baryton-basse
Alzbeta Polackova, soprano
Jiri Sulzenko, basse
Roman Janal, baryton
Helena Tattermuschova, soprano
Jiri Brückler, baryton
Martin Srejma, ténor
Josef Moravec, ténor
Doubravka Souckova, soprano
Stanislava Jirku, contralto
Prague National Theatre Opera Chorus
Martin Buchta, direciton
Pavel Vanek, direction
Prague National Theatre Orchestra
Jaroslav Kyzlink, direction

Créé en 1920 à Prague, cet opéra en deux parties contrastées bénéficie d’une distribution intégralement tchèque qui rend justice de façon exemplaire à cette œuvre satirique, surréaliste, bouffonne et dramatique. Mais qui est donc Broucek ? Une sorte de "Tartarin à la mode tchèque" pour Guy Erismann, biographe du compositeur. Ce gros bourgeois pragois, pilier de taverne, matérialiste, indifférent à l’art, la culture et l’histoire, fier de sa médiocrité, roublard et couard, est né de l’imagination de Svatopluk Cech (1846-1908) qui en publia les "Excursions" dans deux nouvelles satiriques et fantastiques en 1888. Alcoolisé, Broucek se retrouve en rêve sur la Lune puis au XVe siècle. Le premier volet est teinté de fantaisie surréaliste et de lyrisme du plus bel effet. Le second est plus dramatique plongeant au cœur de l’histoire de la nation tchèque en pleine révolte des partisans de Jean Hus. Ici, plus de valses ni de comédie, mais des accents belliqueux et des citations du choral hussite. Distribution et orchestre remarquables. Malgré l’absence du livret en français (contrairement à la version Mackerras de 2008), ce coffret fera le bonheur de tous les admirateurs du maître tchèque. (Gérard Martin)

Le plus insaisissable des opéras de Janacek ? Et si peu un opéra d’ailleurs, mais deux voyages, l’un sur la lune, l’autre aux temps troublés des Hussites, avec aller et retour à la taverne. Janacek mit des tendresses infinies aux ivrogneries de son Broucek qu’il emprunta au roman de Svatopluk Cech dont il suivait la parution en feuilleton, mais qu’il ne transforma en opéra que vingt ans après la mort de son auteur. L’ouvrage est assez difficile, non pour l’auditeur, mais pour les interprètes, Janacek écrivant serré, et en mètres volontairement complexes, derrière la comédie il radicalise son art, sans renoncer à la poésie, ce que fait magnifiquement entendre (et je crois bien pour la première fois avec autant d’exactitude) Jaroslav Kyzlink. En comparaison le lyrisme noir de Katia Kabanova, qui suivra l’année suivante, sera infiniment plus simple pour la grammaire, les lignes de chant. L’abrupt si parlé, Janacek ne le retrouvera pleinement qu’avec De la maison des morts. Au disque "Les Voyages de Mr Broucek" n’ont pas eu de vraie chance depuis l’enregistrement princeps signé par Vaclav Neumann, ni Frantisek Jilek ni Jiri Belohlavek n’ont su en trouver la poésie singulière, l’humour rêveur, les charges désopilantes, cette nouvelles fois serait-elle la bonne ? L’équipe emmenée avec tant de poésie par Jaroslav Kyzlink a vécu l’œuvre en scène puis l’a enregistrée en studio, sans perdre l’irrépressible vitalité d’un spectacle que le livret documente ; Jaroslav Brezina est impayable, Broucek aussi hâbleur que surpris, Alex Briscein est un pur luxe pour Mazal, chaque rôle a un visage et une voix, et quelles ! Tout cela pétille et emporte l’auditeur dans un tourbillon surréel qui saisit la sève même d’un ouvrage inclassable, bijou délaissé d’un corpus lyrique qu’on croit trop facilement connaitre. Et si demain les même tentaient "Osud" ? (Discophilia - Artalinna.com) (Jean-Charles Hoffelé)

In April 1920, following 12 years of intricate work, Leoš Janácek’s The Excursions of Mr. Broucek premiered at the National Theatre in Prague, the one and only work of his to do so. A century later, the self-same theatre’s soloists, chorus and orchestra returned to the “Broucekiad” at the Rudolfinum in Prague. The present studio recording, after Neumann’s and Jílek’s only the third in the Supraphon catalogue, was thus in part made owing to the closure of theatres and concert halls during the recent Covid pandemic. Janácek dedicated The Excursions of Mr. Broucek to T. G. Masaryk, the first President of the newly founded Czechoslovak Republic. Declining to celebrate the two nations’ acquired freedom and statehood by foregrounding Saint Wenceslas, Charles IV or another great figure of Czech history, the composer chose as the protagonist of his “national” opera one Mr. Broucek, a narrow-minded oaf, coward, hypocrite, liar, boor and drunkard. A man overly fond of food and beer, possessing a simplistic worldview, suspicious of everything different and unaccustomed, loathing artists and intellectuals. In The Excursion of Mr. Broucek to the Moon, his crassness clashes with the Moonlings’ aesthetic, highbrow affectation, while in The Excursion of Mr. Broucek to the Fifteenth Century his unflinching self-centeredness, servility and mendacity contrast starkly with the ideals of the uncompromising Hussite warriors, fighting for “God’s truth”. As Janácek himself put it: “Broucek embodies our pettiness; made for stage.” One hundred years down the road, this picture of the “ordinary Czech” is still befitting, worthy of exposing. The new album features Jaroslav Brezina, brilliantly portraying the lead character, and other distinguished Czech singers, under the seasoned conductor Jaroslav Kyzlink. A significant role in enhancing the recording’s quality is played by spatial feeling of the recording process itself as well as by the Dvorák Hall’s splendid acoustics and colourful sound. By releasing the album, the National Theatre in Prague commemorates the 170th anniversary of the birth of Leoš Janácek, the most globally renowned of Czech opera composers.