Le brillant et récent vainqueur de l’International Classic Piano 2024, Andrey Gugnin (1987-), qui a déjà à son actif plusieurs disques — Liszt, Scriabine, Chostakovitch — célébrés par la critique, propose ici sa lecture d’œuvres pour piano de Grieg dans un programme centré autour de la Ballade op. 24, lequel reprend celui que Walter Klien (1928-1963) avait jadis gravé pour Turnabout (TVS 34365), auquel il ajoute toutefois les six pièces du septième livre des Pièces lyriques op. 62. On appréciera la juste composition de cet enregistrement qui, autour de la tragique Ballade op. 24, fait reconnaître la multiplicité et la variété des facettes du compositeur, trop souvent ramené à son Concerto pour piano ou à la musique de Peer Gynt. La Suite "Holberg" est un hommage dans le style néo-classique au dramaturge Ludwig Holberg (1684-1754), fondateur des littératures norvégienne et danoise. Gugnin en traduit parfaitement les ombres et les lumières revisitées par les harmonies modernes qui redonnent vie au "style ancien". De même les grâces fragiles des deux cahiers de Pièces lyriques trouvent en lui un narrateur habile de ces tableaux qui sont comme autant d’hypotyposes peut-être aujourd’hui un peu surannées. Mais, évidemment, ce sont bien le Thème et les 14 Variations de la Ballade qui retiennent l’attention en raison de leur puissante charge émotionnelle, qui va croissant depuis l’Andante espressivo initial jusqu’aux dramatiques Allegro furioso et Prestissimo conclusifs. Andrey Gugnin sait parfaitement en graduer les différentes étapes et adopter en circonstance le ton épique qui convient, avec autant de panache que de sensibilité. (Jacques-Philippe Saint-Gerand) Surprise ! l’orchestre ne manque pas à la "Suite Holberg", Andrey Gugnin l’imaginant du clavier alerte de son beau Steinway, faisant surgir autant de personnages que de paysages, vraie musique de scène pour dix doigts. Ce que tant de pianiste refusent à Grieg, le génie de la narration, le cantonnant aux vertus illustratives d’un aquarelliste, Gugnin le possède à un degré singulier. C’est ce qui rend les deux cahiers de "Pièces lyriques" si émouvants sous ses doigts : écoutez le petit ballet de la "Sylfide", ses entrechats mystérieux, l’estompe jamais aussi debussyste de "Phantom", quel Septième Livre ! Tant de raffinement culminera dans "Erotikon" du Troisième Livre, mais Andrey Gugnin emploiera également toute sa science pianistique aux Variations de la Ballade, cahier majeur de la littérature pianistique romantique, qu’il joue en en accroissant les mystères. Disque magique, peut-être le plus beau de ce pianiste qui ne laisse jamais de me surprendre ; il ne doit pas en rester là chez Grieg, la Sonate, d’autres cahiers des "Pièces Lyriques" veulent son art. (Discophilia - Artalinna.com) (Jean-Charles Hoffelé)
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