Un événement discographique : la réédition par le label New World d’un enregistrement de référence regroupant trois œuvres majeures écrites dans les années 1970 par Morton Feldman, et interprétées ici, à la direction ou au piano, par compositeur-même.  Peu de compositeurs du XXème siècle gardent avec tant de force tout au long de leur carrière l’intégrité musicale de Morton Feldman. Qu’il s’agit des pièces graphiques des années 1950, 1960, des pièces à longueur libre ou bien des œuvres à notation conventionnelle, il y a une telle vigueur dans l’unité de style qui échappe à toute logique, il faut l’entendre pour le comprendre. Ce disque est une porte ouverte au monde musical et conceptuel de cette immense personnalité de la vie musicale du XXème siècle, qui a été Morton Feldman. / New World Records reste l’une des organisations les plus réputées aux Etats-Unis pour la défense du répertoire américain. Tout un chacun se souvient des nombreux disques avec les plus grands orchestres américains (Chicago, Philadelphie, Boston, etc.) dirigées par d’illustres représentants de la direction d’orchestre (Sawallisch, Ozawa, Maazel, etc.), et consacrées tout aussi bien aux Américains du début du XXème siècle (Griffes, Knowles, etc…) qu’à des créateurs plus récents (Read Thomas, etc.). Ce disque nous plonge dans l’univers chambriste si atypique, et pourtant très envoûtant de Morton Feldman (1926-1987). Trois œuvres écrites entre 1968 et 1978 pour prendre conscience du style apparemment éparse, dépouillé, et pourtant lyrique et puissant de l’Américain, d’autant que le compositeur participe à l’exécution de ses œuvres, conférant à ce disque une valeur d’authenticité, unique. De toute évidence, un must absolu du catalogue New World Records, qui reprend en réalité des enregistrements auparavant publiés chez CRI, et que tout curieux (ou simplement mélomane) se devra de posséder. L’Américain nous emmène très souvent dans une autre dimension, où la notion du temps, de l’attente (liée à l’architecture) et du silence en musique, dévient sensiblement de la perception habituelle que nous pouvons en avoir. Fascinant, et l’auditeur se sent d’ailleurs littéralement hypnotisé à l’écoute de Why patterns ?, pièce d’une trentaine de minutes pour flûte, piano et percussion, qui clôt ce disque sans aucun doute assez exigeant. Pour ceux qui veulent régénérer aussi leurs oreilles, ce qui s’avère souvent fort utile, une parution mémorable ! (Pierre-Yves Lascar)

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