Violoncelliste lui-même à ses heures, en parallèle à ses succès en tant que violoniste, pianiste, organiste, compositeur, chef d’orchestre, et enseignant, George Enescu (1881-1955), laisse pour cet instrument un corpus d’œuvres réduit au deux Sonates et aux deux pièces de jeunesse ici enregistrées, auxquels s’ajoutera en 1901 une Symphonie concertante avec orchestre. Quoique portant le même numéro d’opus les deux Sonates, distinctes de 37 ans, présentent des univers sonores et stylistiques entièrement différents. La Sonate en fa mineur inscrit ses quatre mouvements dans la tradition brahmsienne avec des échos beethovéniens, mendelssohniens et même une pointe de Dvorák. Celle en ut majeur, composée à une période difficile de la vie d’Enescu, 1935, pousse la tonalité jusqu’à ses plus extrêmes limites ; on pourrait même entrevoir ici ou là des passages dodécaphoniques particulièrement adaptés à l’évocation d’Œdipe, ce tragique héros qui impressionna tellement le compositeur qu’il en fit un opéra. Le quatrième et dernier mouvement de cette œuvre, après un Scherzo diabolique suivi d’un Andantino chantant, retentit de rythmes et de couleurs alla romania, comme pour chasser les effets négatifs d’un présent dramatique auquel Enescu a toujours préféré ses rêves profonds. Le Nocturne et Saltarello de 1897 et l’Allegro en fa mineur de 1898 apportent à cet enregistrement des compléments séduisants qui permettent de comprendre pourquoi Ravel, alors étudiant de Gédalge, pouvait s’exclamer : « Le plus calé de nous tous, c’était Enescu ». Ravel avait 21 ans, Enescu à peine 15…. Le piano chatoyant de Raluca Stirbat, experte absolue ès-Enescu, entoure sensiblement le violoncelle un peu plus rêche de Rudolf Leopold. (Jacques-Philippe Saint-Gerand) George Enescu’s greatest “sin” was his ability to master many things and excel at all of them, whether as com- poser, violinist, pianist, conductor, teacher, or even organist and cellist! This ability coupled with his legendary musical memory were astonishing. His musical compositions, however, were overshadowed by his career as a virtuoso – something he struggled with throughout his life. Rudolf Leopold and Raluca Stirbat present Enescu’s complete known works for cello and piano, which reflect the turbulent musical and general circumstances of the composer’s astonishing life and his time.
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