Le « concerto descriptif » n’aurait donc pas été le seul fait de John Field ? Il faut en tout cas lui adjoindre un second père, Daniel Steibelt, allemand de naissance, coqueluche des salons parisiens à la fin de l’ancien régime, chéri par Marie-Antoinette, passant pourtant à pied sec Révolution et terreur, fêté par les amateurs d’opéras après que le Théâtre Feydeau ait créé son Roméo et Juliette à l’automne de 1793, encensé par l’Empire avant de finir sa carrière à Saint-Pétersbourg où il fut appelé à la glorieuse succession de Boieldieu. Et sa musique ? Habile, renonçant au génie pour le charme, elle flirte avec les prémices du romantisme sans jamais les outrepasser. Sa fantaisie légère, son sens du discours, ses allusions à Mozart et à l’ancienne musique française produisent un univers singulier : écoutez seulement le Rondo pastorale qui clôt son Troisième Concerto et où parait l’orage qui le nomme. Ce charme ne s’oublie pas, d’autant qu’Howard Shelley y met son piano élégant, si cultivé, entrainant l’Orchestre d’UIlster qui fait assaut de caractère. Jolie découverte qui appelle une suite d’autant que le Grand Concerto militaire de 1816 montre un visage sensiblement plus aventureux d’un Steibelt parvenu à la maturité et qui se fait l’écho d’une époque aussi héroïque que troublée, répondant aux concertos également qualifiés de militaire signé Woelfl ou Dussek. Napoléon était prisonnier à Sainte-Hélène, Steibelt jouait son nouvel opus devant le public de Saint- Pétersbourg qui saluât autant le retour du pianiste virtuose au concert qu’une partition rappelant la fin des carnages (Discophilia - Artalinna.com). (Jean-Charles Hoffelé) La vie du compositeur allemand Daniel Steibelt (1765-1823) fut jalonnée par quelques évènements qui ne contribuèrent hélas pas toujours à une renommée flatteuse : soldat déserteur, affaires véreuses, une joute notoire avec Beethoven qui le laissa humilié. Virtuose, il fut avant tout un pianiste de la trempe des Woelfl, Cramer ou Clementi. Il voyagea à travers l'Europe : l'Allemagne, puis Dresde, Prague, Paris (où il compose un opéra et une sonate ("La Coquette") pour Marie Antoinette, Londres, enfin Saint Pétersbourg où il finit ses jours, nommé Maitre de Chapelle par l'empereur de Russie, Alexandre 1er. Steibelt est l'auteur de nombreuses œuvres pour piano, méconnues et peu enregistrées. Trois de ses concertos les plus célèbres sont ici interprétés par Howard Shelley. Le brillant virtuose Steibelt, si prompt à épater sur scène, était bien plus pusillanime dans sa manière de composer. Orchestration et structure thématique sont de facture assez convenue, loin des œuvres semblables de Hummel, de Field ou de Dussek. Le piano n'est jamais m'as-tu-vu mais intégré dans l'ensemble harmonique. L'op. 33 vaut par le caractère de son troisième mouvement rondo pastoral intitulé "L'Orage", illustrant les éclairs par de longs arpèges et le tonnerre par des tuttis orchestraux. Steibelt s'applique à plaire sans chercher la petite bête. Le rustique concerto "La Chasse" met en valeur, on s'y attendait, les bois et les vents. Quelques mélodies écossaises, alors en vogue, tirées de son chapeau, sont enrobées d'un sirop léger. Le "Grand concerto Militaire" rajoute une fanfare pour le clinquant des cuivres et use des formules martiales. Tout cela offre au mélomane un portrait de l'artiste plus digne que vaniteux et un moment de bonheur pianistique et musical. Aidé du roboratif petit orchestre d'Ulster, Howard Shelley comme à son habitude, s'y montre coloriste, élégant, sobre et peu enclin aux effets de manche inutiles. (Jérôme Angouillant) Howard Shelley and the Ulster Orchestra return for a second volume in Hyperion’s new Classical Piano Concerto series. Daniel Steibelt—the man who dared to challenge Beethoven and lost—ruled the keyboards of northern Europe for a quarter of a century, his own concertos as sensationally popular as their composer was ostentatious.
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