Breathtaking ! « À vous couper le souffle?! ». C'est bien l'effet produit par ce magnifique enregistrement. Les souffles conjugués de la voix et de l'instrument emportent le souffle de l'auditeur. Mais un autre rapport sensible (sensualité et extase) se crée : « une voix et un cornet entrelacés » précise le sous-titre anglais. Le terme « d'entrelacement » rend parfaitement l'esprit des œuvres réunies ici. Le cornet à bouquins connut son âge d'or à Venise au milieu du XVIIe. Le père Mersenne le comparait à « un rayon de soleil qui paroist dans l'ombre ou dans les ténèbres » Il tomba ensuite partout dans l'oubli. Le répertoire italien (notamment d'India, Marini, Merula et Bassani) constitue la majeure partie de ce CD. Œuvres profanes et religieuses s'y côtoient. Les affects mobilisés par les unes et les autres renvoient à des formes d'effusion dont l'entrelacement est l'expression géométrique et métaphorique à la fois. Effusion et enlacement trouvent leur source profonde dans la proximité constamment affirmée à l'époque baroque du cornet avec la voix humaine. C'est en tant « qu'autre du même » que l'instrument dialogue avec celle-ci, l'introduit, la porte, lui fait écho, la suggère et la contient. L'osmose parfaite entre les deux interprètes s'inscrit elle aussi dans cette logique. Le jeu de Brune Dickey, posé et comme décanté jusque dans les diminutions les plus virtuoses, est un miracle d'équilibre?. L’agilité féline et la clarté de la voix de Hana Bražíková exaltent sans les épurer les contrastes. Saluons enfin le raffinement et le dépouillement de la pièce contemporaine inédite de C. Tsoupaki qui donne à ce CD une dimension prospective. (Bertrand Abraham) Breathtaking ! En français : époustouflant. Ou — pour mieux donner à voir le rapport entre le mot anglais et la respiration : "À vous couper le souffle !". Et c'est bien là l'effet produit par ce magnifique enregistrement. Les souffles conjugués de la voix et de l'instrument par lesquels la musique existe emportent et coupent le souffle de l'auditeur. Laissant ce dernier sans voix. Mais un autre rapport sensible se crée : "une voix et un cornet [à bouquins] entrelacés" précise le sous-titre anglais du CD. Et voici, cette fois, l'auditeur pris dans les lacs, les volutes, les arabesques dessinés par les mélodies. On est alors du côté de la sensualité, de l'extase. Le terme "d'entrelacement" rend d'ailleurs parfaitement l'esprit des œuvres réunies ici. Le cornet à bouquins connut son âge d'or à Venise au milieu du XVIIe, où il acquit vite le rôle d'instrument soliste. Des pages d'une grande virtuosité lui furent consacrées. Il fut encore utilisé par A. Scarlatti (cf. plages 16 à 18), et par Bach dans certaines cantates. La France cependant, en dépit du père Mersenne qui le comparait à "un rayon de soleil qui paroist dans l'ombre ou dans les ténèbres" l'ignora presque complètement. Il tomba ensuite partout dans l'oubli. C'est évidemment le répertoire italien magnifié naguère par Maria-Cristina Kiehr et Jean Tubéry qui constitue la plus grande partie de ce CD (avec notamment des œuvres de Palestrina, d'India, Marini, Merula et Bassani). Œuvres profanes et religieuses — le cornet à bouquins fut très lié à la musique d'inspiration "mariale "— se côtoient sans jamais s'opposer : les affects mobilisés dans les différents genres sont étonnamment proches et renvoient toujours à des formes d'effusion (tendre, mélancolique, amoureuse…) dont l'entrelacement est l'expression à la fois géométrique et métaphorique. Mais effusion et enlacement trouvent leur source profonde ailleurs : dans la proximité sans cesse affirmée, rappelée voire théorisée, à l'époque baroque, du cornet avec la voix humaine. Il chante, parle, articule, phrase, à la manière d'une voix. Et c'est bien en tant « qu'autre du même » qu'il dialogue avec celle-ci, l'accompagne, l'introduit, la porte, la répète, la souligne, lui fait écho, la suggère, la contient et la reflète dans toutes ces œuvres. Le rapport entre les deux interprètes s'inscrit lui aussi merveilleusement dans cette logique. Car le jeu de Brune Dickey est un pur miracle d'équilibre : il est posé et comme décanté jusque dans les diminutions et les traits les plus virtuoses. La voix de Hana Bražíková est claire, lumineuse, franche. Et son agilité féline exalte sans les épurer les contrastes, les nuances. La vivacité, la fraîcheur, et l'osmose parfaite entre les interprètes font de ce disque une superbe réussite. Outre les pièces purement instrumentales qui permettent de mettre en valeur les autres interprètes, il faut souligner enfin la dimension prospective de cet enregistrement, qui comporte une pièce contemporaine inédite et spécialement écrite pour l'occasion par Calliope Tsoupaki, compositrice grecque : dépouillement et raffinement se conjuguent dans ce qu'elle qualifie de "moment serein d'antiphonie lyrique". (Bertrand Abraham)
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