1964, Boris Tichtchenko, vingt-cinq ans, achève la rédaction de sa Deuxième Symphonie, un double portrait, celui de Marina Tsvetaeva, poétesse favorite de l’intelligentsia russe dont l’œuvre était encore alors tenue sous le boisseau par la soviétie, et au travers de ses poèmes celui de la fille du Voïévode polonais Marina Mniszek au destin de laquelle elle s’identifiât dans ses vers. L’œuvre épique qui cumule un immense orchestre et un vaste chœur montre le jeune-homme à la croisée des chemins : l’ombre de Chostakovitch s’étend encore sur son génie naissant, mais les éléments fondateurs de sa syntaxe, ostinatos polyphonies, polymélodies, polyrythmies, écriture par zébrures harmoniques, percussion invasive, trompettes narquoises, éclatent à mesure que le brasier de l’œuvre s’étend. Même avec cette lutte contre l’influence, l’œuvre est fascinante, iconoclaste, et provoque une sorte d’ébahissement par ses audaces, sa vitalité inextinguible, ses ardeurs bruitistes, sa folie. Le concert karélien de 1973 est le seul enregistrement que l’on possède de ce premier brulot, mais il est d’une telle urgence qu’on pourra avec lui patienter en espérant qu’une nouvelle version bénéficiant d’une prise de son plus virtuose permettra bientôt d’en apprécier le fourmillement : Robert bon Bahr et les ingénieurs de Bis seraient bien inspirés d’oser un cycle Tichtchenko comme il le firent pour Schnittke. (Discophilia - Artalinna.com) (Jean-Charles Hoffelé) « Fidèle à la tradition sans être traditionaliste », Boris Tichtchenko, même s’il se frotte aux techniques nouvelles, du dodécaphonisme aux micro-intervalles, suit avec détermination ses propres règles, sans dogmatisme, et se concentre avant tout sur ce qu’il veut exprimer. Resté au pays malgré les aléas politiques, élève de Galina Ustvolskaya, puis de Dmitri Chostakovitch, dont il ne dénature pas l’esprit, il a su imposer une esthétique reconnaissable dès les premières mesures - ici, par exemple, le thème acéré des trompettes. Affichant une indépendance artistique qui tranche avec les us soviétiques, sa Symphonie n° 2, prénommée « Marina », s’appuie sur les textes de Marina Tsvetaïeva, poétesse excentrique, à la langue aussi précise que suspecte aux oreilles de Staline - l’homme de musique contribue ainsi à établir la reconnaissance de la femme de lettres au début des années ‘60. Ecrite pour chœur mixte et grand orchestre, cette symphonie porte, au long de ses cinq mouvements, une tension émotionnelle intense. Adepte d’une pensée tonale libre, Tichtchenko y développe le matériau thématique initial par greffes successives, confrontant sans cesse intuition et calcul mathématique. (Bernard Vincken)
|