Pour une fois, pas les Sonates du Rosaire ! Plamena Nikitassova, à qui l’on doit une magnifique interprétation des Sonates à violon seul de Westhoff (Ricercar), préfère explorer un recueil peut-être plus audacieux encore, les huit Sonates regroupées en 1681 par Biber, que complète ici une Sonate attribuée à un de ses élèves, Johann Jospeh Vilsmayr. La technique de scordatura pourrait laisser croire qu’elle aurait coulé de la plume du maître autant que de celle de l’élève. Peu de versions, je me souviens de celle de Gunar Letzbor, le cahier pourtant regorge de beautés, Biber y atteint le sommet de son art, celui du virtuose comme du poète, il élargira d’ailleurs sa réputation, l’ouvrage étant publié en même temps à Salzbourg et de l’autre coté des Alpes à Nuremberg. Violon altier, archet diseur, Plamena Nikitassova magnifie ces pages audacieuses que Biber a pris soin de décorer d’un continuo emporté par les quatre instrumentistes des Elémens dans un tourbillon de couleurs, petit orgue, clavecin, théorbe, violon et viole de gambe entourent la soliste dans un quasi concertato. Bravo pour cette résurrection, et maintenant Le Rosaire ! (Discophilia - Artalinna.com) (Jean-Charles Hoffelé) Biber : astre flamboyant au firmament baroque. Nourri de ce que l’Italie avait apporté avant lui au répertoire violonistique, ce musicien et compositeur d’une virtuosité ébouriffante, vertigineuse mais jamais gratuite, produit une musique bien éloignée des brumes du Nord : lumineuse, sensuelle, passionnée, pleine de la folie et de l’audace du stylus phantasticus. L’originalité de l’écriture est inséparable des prescriptions du compositeur relatives à la façon de tenir l’instrument et plus encore, de l’accorder — ce dont témoignent les scordature requises pour certaines de ces 8 sonates, comme elles l’étaient d’ailleurs pour les Sonates du Rosaire qui ont fait redécouvrir Biber : chaque scordature détermine une combinaison parfois fort éloignée du traditionnel accord en quintes (sol-ré-la-mi). Timbre et sonorités se trouvent de la sorte modifiés, graves et aigus peuvent acquérir d’autres résonances, d’autres formes de ductilité ou de tension à même d’enrichir la palette sonore. Mais la gageure est redoutable pour l’interprète dont les doigts ne rendent plus le son auquel leur position sur les cordes était censée correspondre. Le jeu en double corde est, d’autre part, extrêmement utilisé, ce qui constitue un défi supplémentaire. Ces pages comportent un nombre variable de mouvements, de longueur très différente, dont l’un au moins est nettement plus étoffé du fait qu’il développe des variations. Ces mouvements sont faits de séquences dont la succession semble parfois tenir des caprices d’une improvisation jamais à court. Les formes mobilisées renvoient à la toccata, à la passacaille, souvent à la chaconne (le violon volubile planant au-dessus de quelques mesures de basse obstinément répétées qui donnent une assise à la frénésie du solo). Également à des danses (gavotte et gigue notamment). Se déploient par ailleurs des épisodes méditatifs, incantatoires, d’où se dégage un charme mystérieux, auxquels succèdent des passages précipités, parfois en chaîne et de plus en plus rapides, faits de gammes, d’arpèges, de traits fulgurants. Le violon dessine alors de vibrionnants frottis acrobatiques y compris dans l’extrême aigu de l’instrument, d’où une prodigieuse impression de bariolage. Aucune impression d’éparpillement : tout se tient, se fond, fait souplement architecture. Interprètes fabuleux à commencer par une P. Nikitassova éblouissante, dont on se demande comment elle domine si aisément, si naturellement les difficultés de telles œuvres, somptueusement servies par les autres membres de l’ensemble. Indispensable. (Bertrand Abraham) The opus most decisive for Heinrich Ignaz Franz Biber's fame and widely used into the 18th century are the eight sonatas for violin and basso continuo published in 1681. Since the Sonatae unarum fidium by the Viennese violin virtuoso Johann Heinrich Schmelzer, published in 1664, no violin solos of comparable extraordinary compositional and technical ambition had appeared. With his sonatas of 1681, Biber succeeded in setting new standards and achieving a previously unattained synthesis of equally high virtuoso demands, artistic content and compositional technical level. Our exceptional violinist Plamena Nikitassova uses a historical playing technique for her interpretation - a technique that is hardly cultivated any more even among baroque violinists. The instrument is not placed on the shoulder and, if necessary, held with the chin, but is placed against the left breast. This also requires a different posture of the bow: the right arm is not raised very high, the thumb is placed on the hair and contributes to the tension. The sound is noticeably removed from the late Baroque aesthetic, but develops its own charm, especially in the execution of the rapid passagework.
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