Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Symphonie n° 9 en ré mineur, op. 125

Wiener Philharmoniker
Erich Kleiber, direction

On aime Gramola, cette belle maison viennoise, et enrichir un catalogue déjà somptueux d'une collection de rééditions patrimoniales, dans des conditions sonores proches de l'idéal, est tout à leur honneur. Mais prétendre que la Neuvième de Kleiber père, bien connue des mélomanes, ait besoin d'être "sauvée de l'oubli" comme le prétend le manifeste figurant sur la pochette, c'est un peu exagéré : cet enregistrement est toujours resté accessible - y compris d'occasion - dans la collection Decca Historic, avant d'être repris il y a trois ans dans le coffret intégral des enregistrements de Kleiber pour Decca. Et puisqu'il est question de patrimoine, on s'attendait à un travail éditorial un peu plus solide : un texte banal sur l'oeuvre et une dizaine de lignes sur le chef, c'est bien cheap. Reste cette conception organique de la musique, ce naturel, qui fascine toujours chez les Kleiber - même si le fils n'osa jamais cette symphonie : direction décantée, agogique subtile, une énergie et une souplesse qui font avancer le discours sans brutalité, et exaltent la sonorité d'un philharmonique dans ses grand jours. L'immense Ludwig Weber fait ressentir un peu de cette terreur sacrée qui s'empare de la voix humaine au moment de rejoindre la musique pure portée à son plus haut degré de spiritualité. Anton Dermota allie splendeur instrumentale et puissance hymnique. Hilde Güden, chanteuse adulée du public viennois est une voix trop légère pour prendre véritablement part à ce cérémonial païen, et Sieglinde Wagner déploie son mezzo somptueux. Quatuor inégal, mais quel chef pourrait aujourd'hui aligner une telle distribution ? D'ailleurs quel chef ose encore aujourd'hui se confronter à la Neuvième ? Grâces soient rendues à Gramola de nous rendre cette version, pilier de toute discothèque beethovenienne. (Olivier Gutierrez)