L’orchestre fut le paradis de Viktor Kalabis, tout un kaléidoscope où il mariait sa passion de la musique française et son orgue de parfums tchèques. A la chambre, il poursuivait une veine plus radicale. Les deux Sonates des année soixante, violoncelle et clarinette, ne portent pas la trace du laboratoire que la stupéfiante Sonate pour violon et piano de 1982 transcende à force d’éclats. Son hallucinante maitrise de l’écriture suffirait à illustrer à quel degré de perfection l’art de Kalabis, alors à l’orée de ses quatre-vingts ans, avait atteint. Ivan Zenaty en fut le créateur ; j’imagine son aigu de chanterelle dans les premières mesures de l’Adagio, page géniale où le piano égrène le temps d’une horloge implacable, image sonore de la camarde. Jan Fiser l’évoque de son bel archet, mais c’est Ivo Kahanek qui mène cette danse de post apocalypse. Il est le héros de cette triade dont les deux premiers opus ramènent au temps sinistre du glacis soviétique. La Sonate pour clarinette (1969) est exsangue, terrifiée, comme passée sous les chars, Anna Paulova en dit tout dans la perfection de sa sonorité qui ne peut éloigner les spectres. Sonate hantée. Celle pour violoncelle, massive, essaye de chanter, mais elle proteste surtout contre l’écrasement du Printemps de Prague, ceux qui ont assisté à sa création par Josef Chuchro en novembre 1968 auront saisi son réquisitoire féroce par instant, par instant désolé, dont Tomas Jammik dit tout, archet revêche, sonorité vociférante, pur « protest » qui ose parfois un bref lamento. (Discophilia - Artalinna.com) (Jean-Charles Hoffelé) Les trois compositions de chambre éditées par le label tchèque Supraphon illustrent le néo-classissisme des années de maturité de Viktor Kalabis, compositeur tchèque qui, en fin observateur des techniques rationnelles d’écriture musicale de son époque, a construit son propre parcours. Admirateur enthousiaste de Bohuslav Martinu - il préside la Fondation et fonde l’Institut qui lui sont dédiés -, ce symphoniste dans l’âme combine structure (dépouillée) et logique d’écriture avec une vigueur expressive, lyrique autant que mélodique. La Sonate pour violoncelle et piano, op. 29, mise sur papier au deuxième semestre de 1968, évoque le caractère dramatique des événements de l’époque : les espoirs de liberté insufflés par le Printemps de Prague sont cruellement stoppés par l’intervention militaire des pays du Pacte de Varsovie le 21 août. Née un an plus tard, alors que l’occupation s’est installée, la Sonate pour clarinette et piano, op. 30, grave, douloureuse, anxieuse, manifeste la nécessité, pour Kalabis, « de se lever contre et d’exprimer son opposition ». Plus tardive (1982), la Sonate pour violon et piano, op. 58 se partage entre passion et méditation, énergie et lumière. Une bonne entrée en matière pour un des grands compositeurs tchèques. (Bernard Vincken) Viktor Kalabis (1923-2006), one of the most distinguished figures of 20th-century Czech music,wrote dozens of opuses, mainly instrumental pieces, including for his wife, the world-renownedharpsichordist Zuzana Ružicková. As he himself put it, his aim was to create music rooted in hiscountry, music for educated listeners. Although he also drew inspiration from 20th-centuryclassics, Kalabis arrived at a synthetic style of his own, an alternative to the rational compositionaltechniques – a Neo-Romantic alternative, akin to Neo-Classicism. Besides the first ever album ofKalabis’s complete piano oeuvre (2 CDs, scheduled to be released in 2019), Ivo Kahánek and otherleading Czech instrumentalists have recorded the composer’s three sonatas. The one for celloreflects the dramatic events in Czechoslovakia between June and September 1968: the months ofeuphoria of the Prague Spring, followed by disillusionment and resignation in the wake of theWarsaw Pact’s invasion, which for two decades to come would numb all hopes of freedom. Theclarinet sonata (1969) too clearly refers to the time of its coming into being: drama, grief andsorrow, escalated into harrowing helplessness. The elliptical and coherent violin sonata (1982)places emphasis on the instrument’s typical ethos – melodiousness, bright sound and soulfulness.After 3 CDs featuring Kalabis’s symphonies and concertos (Supraphon 2013), the presentrecording affords yet another insight into the composer’s musical universe.
|